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en relations constantes avec Stockholm… c’est-à-dire Berlin. Je le soupçonne fort d’être le principal distributeur des subsides allemands. Il offre, chaque mercredi, un dîner à Raspoutine. L’amiral Nilow, aide de camp général de l’Empereur et attaché à son service intime, est invité, par principe, en raison de sa magnifique tenue sous le vin. Un autre convive de fondation est l’ancien directeur du Département de la police, le redoutable Biéletzky, aujourd’hui sénateur, mais qui a gardé toute son influence à l’Okhrana et qui entretient, par Mme Wyroubow, des rapports constants avec l’Impératrice. Naturellement, il y a aussi quelques femmes agréables pour égayer le festin. Parmi les habituées, est une ravissante Géorgienne, Mme E..., souple, insinuante et enjôleuse comme une sirène. On boit toute la nuit ; Raspoutine est très vite soûl ; il bavarde alors intarissablement. Je ne doute pas qu’un récit détaillé de ces orgies soit expédié, le lendemain, à Berlin..., avec commentaires et précisions à l’appui.



Dimanche, 22 octobre.

Le général Biélaïew, qui va représenter le Haut-Commandement russe en Roumanie, vient me faire ses adieux.

Il me confie que, outre les deux corps d’armée russes déjà expédiés en Moldavie et qui doivent essayer de pénétrer en Transylvanie par Palanka, un troisième corps partira le 7 novembre, pour la Valachie, où il opérera, de concert avec l’armée roumaine, entre le Danube et les Carpathes. Il est chargé de déclarer au roi Ferdinand que « l’Empereur n’exclut pas la possibilité d’envoyer ultérieurement d’autres renforts. »

Je représente au général Biélaïew que cet envoi « ultérieur » me paraît d’une extrême urgence :

— Les opérations du théâtre balkanique prennent, de jour en jour, un caractère plus décisif... et dans quel sens ! La Dobroudja est perdue. Constantza va tomber. Tous les défilés des Alpes transylvaniennes sont forcés. L’hiver approche... Le moindre retard est irréparable.

Il en convient :

— J’ai insisté, de toutes mes forces, auprès de l’Empereur et du général Alexéïew, pour qu’une armée de trois ou quatre corps soit dirigée, sans délai, sur Bucarest. Là, elle s’amalgamera avec l’armée roumaine. Nous aurions ainsi, au cœur de