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Il me confie ensuite la douloureuse impression sous laquelle il a quitté son pays. L’ancienneté de notre amitié lui permet de s’épancher librement. Je lui représente avec force que les échecs militaires n’ont rien d’irréparable, mais que, si le Gouvernement et le peuple roumains ne se ressaisissent pas immédiatement, la Roumanie est perdue sans retour :

— Il faut, à tout prix, que votre pays se redresse et que vos ministres reprennent courage. Ils vont d’ailleurs recevoir, dans la personne du général Berthelot, un tonique merveilleux.



Lundi, 16 octobre.

Depuis quelques jours, une rumeur bizarre circulait à Pétrograd ; on affirmait, de toutes parts, que Sturmer avait enfin démontré à l’Empereur la nécessité de terminer la guerre en concluant, au besoin, une paix séparée. Plus de vingt personnes étaient venues m’interroger. Chacune avait reçu de moi la même réponse :

— Je n’attache à ces racontars aucune importance. Jamais l’Empereur ne trahira ses alliés.

Je pensais néanmoins que la légende n’aurait pas rencontré un tel crédit sans la collusion de Sturmer et de sa bande.

Aujourd’hui, par ordre de l’Empereur, l’Agence télégraphique publie une note officielle qui dément catégoriquement « les bruits propagés par certains journaux sur la possibilité d’une paix séparée entre la Russie et l’Allemagne. »



Mardi, 17 octobre.

J’offre à Motono un dîner d’adieu. Mes autres convives sont le président du Conseil et Mme Sturmer, le ministre des Voies de communication, Trépow, l’ambassadeur d’Italie, le ministre de Danemark et Mme Scavenius, le général Wolkow, la princesse Cantacuzène, M. et Mme Polovtsow, le prince et la princesse Obolensky, le général et la baronne Wrangell, le vicomte d’Harcourt, qui se rend en Roumanie avec une mission de la Croix-rouge française, etc., une trentaine de personnes.

Mme Sturmer est remarquablement appariée à son époux. C’est la même forme d’intelligence, la même qualité d’âme. Je lui prodigue mes grâces pour la faire parler. Elle me sert un long