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un travail très actif du parti « social-démocrate » et surtout de sa fraction extrême, les bolcheviki.

La prolongation de la guerre, l’incertitude de la victoire, les difficultés de la situation économique ont ranimé les espérances révolutionnaires. On se prépare à la lutte qu’on croit prochaine.

Les chefs du mouvement sont les trois députés « travaillistes » de la Douma, Tcheidzé, Skobélew et Kérensky. Deux influences très fortes s’exercent aussi de l’étranger, celle de Plékanow, qui vit à Paris, et celle de Lénine, qui est réfugié en Suisse.

Ce qui me frappe surtout dans le triumvirat de Pétrograd, c’est le caractère pratique de son activité. Les déceptions de 1905 ont porté leurs fruits. On ne cherche plus à s’entendre avec les « cadets, » qui sont des bourgeois et ne comprendront jamais le prolétariat ; on ne se fait plus d’illusion sur le concours immédiat qu’on peut espérer des masses rurales et l’on se borne à leur promettre le partage des terres. Avant tout, on organise la « révolution armée. » C’est par un étroit contact entre les ouvriers et les soldats qu’on établira « la dictature révolutionnaire. » C’est par l’union intime de l’usine et de la caserne qu’on remportera la victoire. Kérensky est l’âme de ce travail.



Lundi, 9 octobre.

Le nouveau ministre de l’Intérieur, Protopopow, affirme des opinions et un programme ultra-réactionnaires. Il ne craindra pas, dit-il, d’affronter les forces de la révolution ; il les provoquera, au besoin, pour les briser d’un seul coup ; il se sent de taille à sauver le tsarisme et la sainte Russie orthodoxe : il les sauvera... Tels sont les propos qu’il tient devant ses intimes, avec une loquacité intarissable et des sourires pleins de suffisance. Pourtant, voilà quelques mois à peine, on le comptait parmi les libéraux modérés de la Douma. Ses amis d’alors, qui l’estimaient assez pour l’avoir élevé à la vice-présidence de l’assemblée, ne le reconnaissent plus.

La brusquerie de sa conversion s’explique, m’assure-t-on, par son état de santé : les altérations subites du caractère et l’exaltation des facultés Imaginatives constituent des prodromes typiques de la paralysie générale. Ce qui est certain, d’autre