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guère plus confortable pour nous. Elle aussi, elle a besoin d’être adaptée aux exigences de la vie actuelle. Mais elle offre cet avantage d’admettre plus d’air et de lumière, de se prêter à une décoration infiniment plus variée que l’autre, d’être moins banale, jusqu’ici, en Afrique, et même de n’exister pas encore, ou de n’exister plus : ce qui lui confère la beauté des choses à naitre et qu’on aime d’autant plus qu’on ne les possède pas.

Sa principale beauté, à mes yeux, ce serait de s’harmoniser parfaitement avec le vieux décor gréco-latin du pays et de rappeler à l’indigène, comme à nous, que l’ossature de sa terre natale est toute latine. Il n’a qu’à la fouiller et à en dénombrer les ruines pour s’en rendre compte. Ce que je cherche, encore une fois, c’est à lui montrer ce qui le rapproche et non ce qui le sépare de nous. Il aura beau s’en défendre, l’idée latine aura beau être expulsée de son esprit et de son cœur, elle n’en continue pas moins à vivre autour de lui et à le servir, à son insu, jusque dans les plus humbles ustensiles... Tout récemment, un administrateur algérien m’écrivait l’anecdote que voici, et que j’ai réservée pour finir, tant elle me paraît frappante et significative. En tournée à travers les montagnes de l’Aurès, ce fonctionnaire reçoit l’hospitalité dans un gourbi indigène. Transi par une nuit glaciale et dévoré par la vermine, il quitte le grabat qu’on lui a préparé, et, pour se réchauffer, il allume dans l’âtre quelques brindilles de bois mort. Allongé dans sa couverture, il regarde le feu qui pétille sur les pierres du foyer, puis ces pierres elles-mêmes : c’étaient deux tuiles plates portant des marques bien connues des archéologues. Le foyer du montagnard bédouin était formé de deux tuiles romaines...


LOUIS BERTRAND.