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de délicatesse, n’allons pas nous faire plus musulmans que les Musulmans eux-mêmes. N’ayons pas sans cesse les sourates du Coran à la bouche, et, quand les études théologiques agonisent dans les mosquées, n’allons pas les ressusciter, — surtout quand on ne nous demande rien, — en créant des médersas et en stipendiant des professeurs, qui, sous couleur de littérature, replongent leurs élèves dans l’atmosphère islamique la plus fervente et la plus dangereuse pour nous.

Encore une fois, mettons l’islam de côté, dans nos rapports avec les Musulmans, à moins qu’eux-mêmes ne nous convient à nous en occuper. Cependant, nous pouvons essayer d’attirer les plus intelligents d’entre eux sur le terrain de la culture moderne. Beaucoup en reconnaissent loyalement la nécessité. Tenons-nous-en alors à la science pure et simple, aux affirmations qui unissent les intelligences. Noire idéologie sentimentale et humanitaire aurait sur eux les plus funestes effets. Bientôt nos élèves se retourneraient contre nous, en brandissant d’utopiques Droits de l’Homme et en nous sommant de leur quitter la place. De tout notre enseignement, la seule partie qui puisse agir réellement sur les cœurs, en même temps que sur les intelligences des Musulmans africains, c’est un enseignement historique intégral, qui insisterait sur nos traditions communes. Seuls, les antiques souvenirs de l’Afrique latine peuvent nous rapprocher et nous associer dans un même culte. C’est là un lien un peu fragile, je le reconnais. C’est une amitié d’un caractère plus intellectuel que sentimental que je propose. S’il existe un autre moyen de rapprochement et d’entente, qu’on veuille bien nous l’indiquer. Pour moi, — vaille que vaille, — je n’en connais pas d’autre.


Cela ne veut pas dire, — et c’est même tout le contraire, — que nous devions nous détourner avec horreur de tout ce qui rappelle l’Islam chez les Musulmans africains. L’Islam, — répétons-le encore, — n’est pas une civilisation, mais une religion. A son ombre s’est maintenu intact, pendant des siècles, tout le matériel de l’antique civilisation latine, et, en général, tous les usages qui ne furent pas spécialement abolis ou modifiés par les nouvelles prescriptions religieuses.

Aujourd’hui encore, — même après un siècle d’intense contamination,