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culte des reliques et des saints, les memorine se retrouvant dans les marabouts, les biens habous continuant les biens d’église, — une foule d’autres usages ou institutions, — tout cela porte la marque d’une parente originelle, mais l’esprit donatiste de l’époque augustinienne se perpétue dans l’Islam africain d’aujourd’hui : même particularisme jaloux qui, après avoir produit les schismes chrétiens, a produit les grandes hérésies musulmanes du moyen âge, — même affectation de rigorisme moral, même fanatisme qui prétend imposer la foi à coups de sabre, qui ne recule pas devant le massacre des infidèles, même prétention d’être les purs d’entre les purs, même tendance à considérer le reste de l’humanité comme un vil troupeau d’êtres inférieurs et souillés. Avec cela, une foi ardente, intrépide, capable d’aller jusqu’au martyre, une grande simplicité, pour ne pas dire une grande austérité de mœurs et de pratiques religieuses, une haute idée du Dieu unique : voilà bien des caractères que l’Islam africain d’aujourd’hui, et de toujours, semble avoir hérités du donatisme.

Le donatisme n’était qu’un schisme chrétien, qui masquait des intérêts individuels et politiques. Saint Augustin répétait sans cesse que ce rameau détaché de l’arbre du Christ était frappé de stérilité. Il a duré néanmoins deux ou trois siècles, mais il ne parait point que son contenu doctrinal se soit enrichi ou ait évolué, au cours de ces siècles.

L’esprit qui anime l’Islam africain d’aujourd’hui, n’a pas évolué davantage. C’est une forme religieuse très arriérée, très dépassée, que nous ne connaissons pour ainsi dire plus. Tandis que le christianisme, le catholicisme lui-même, tout en restant identique dans son fond, a évolué, s’est adapté merveilleusement aux conditions de la vie et de la pensée modernes, cet islamisme-là n’a pas bougé, ne veut pas bouger. Ce n’est point notre affaire que d’essayer de le moderniser, cela ne nous regarde pas. Je suis persuadé qu’il serait pour nous très dangereux de vouloir, même avec les plus grandes précautions, diriger l’Islam africain dans ce qu’on appelle « les voies du progrès. » Créer en Afrique, par un zèle inconsidéré, une « question religieuse » serait de la plus folle imprudence. Laissons les Musulmans croire et pratiquer en paix leur religion. Témoignons pour cette religion le respect qui est dû à tout ce qui peut élever et moraliser les hommes. Mais, par un excès