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n’eurent pas besoin d’introduire en Espagne, — comme le rabâchent les manuels d’histoire, — leurs procédés de culture et d’irrigation, ni leurs thermes, ni leurs patios : tout cela, qui est latin et romain, existait dans le pays, bien avant eux.


Quoi qu’il en soit, il faut se hâter de convenir que l’Islam, en Afrique, est un fait considérable, un fait de douze siècles, comme on se plait à le répéter. Il serait aussi ridicule que dangereux d’en nier l’importance.

Mais ce fait, il est non moins absurde de l’accepter, les yeux fermés avec une sorte de vénération mystique, comme une de ces fatalités accablantes que l’on subit sans oser les discuter. Et c’est être mauvais Européens que d’entretenir les musulmans dans ce préjugé que leur religion les met pour ainsi dire à part de l’humanité, que leur pensée est inconciliable avec la nôtre, et qu’en somme c’est à nous de céder, de capituler devant cette intransigeance monstrueuse et de nous proclamer éperdument non pas même les protecteurs, mais les serviteurs de l’Islam.

Si ce n’est là qu’un procédé politique, une ruse de bonne guerre, — très bien ! Une telle conception peut se soutenir, à la condition qu’on y ajoute, dans la pratique, une extrême prudence. On ne veut pas heurter des enfants entêtés et colériques, on feint de flatter leur manie, pour les mieux conduire à ses fins... Mais je crains fort que ce ne soit pas seulement une attitude et une habileté, — et qu’il n’y ait là, réellement, la conviction que l’Islam est une religion unique, étrangère à toute autre, exclusive de toute autre, et qu’il le faut accepter comme tel.

Eh bien, non ! Personne, aujourd’hui, ne peut accepter cela, pas plus le croyant que le libre penseur. En Afrique, comme dans les autres pays islamiques, c’est un devoir, au contraire, pour le Français et pour le civilisé, d’insister surtout, devant le Musulman, sur ce qui nous rapproche de lui, et non sur ce qui nous divise. Rappelons-lui que les origines de nos religions, comme celles de nos civilisations, sont communes ; que l’islamisme, comme le christianisme, est sorti de la Bible ; que l’Islam africain a gardé une foule de traits du christianisme africain primitif, aussi bien l’orthodoxe que le schismatique. Non seulement l’aménagement et la disposition des mosquées et de leurs dépendances, calquées sur la basilique chrétienne, le