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compatriotes à lire les études historiques déjà écrites par nos érudits, depuis bientôt un siècle, sur ce vaste sujet, n’en sera-t-on pas réduit à fonder des prix d’encouragement pour la lecture de l’histoire africaine ?

Car enfin, combien sont-ils, parmi nos administrateurs et nos hommes politiques, ceux qui ont parcouru, je ne dis pas des œuvres capitales et un peu spéciales, ou difficiles d’accès — comme l’Histoire des Berbères d’Ibn-Khaldoun, traduite par de Slane, ou l’Histoire des Musulmans d’Espagne par Dozy, ou l’Afrique chrétienne de Paul Monceaux, ou la monumentale Histoire ancienne de l’ Afrique du Nord de Stéphane Gsell, -— mais des œuvres de vulgarisation, faciles et même agréables à lire, comme l’Afrique romaine de Gaston Boissier, ou l’Afrique chrétienne de Dom Leclercq ? ... Il y a quelque vingt ans, Stéphane Gsell écrivit un petit manuel excellent, intitulé l’Algérie dans l’antiquité. Tout ce qu’un jeune Algérien doit savoir de son pays y est résumé en quelques pages d’une information et d’une critique très sûres. Ce petit livre, édité par la librairie Jourdan, d’Alger, devrait être aux mains de tous les écoliers d’Algérie, aussi bien ceux des lycées que ceux des écoles primaires. Je suis sûr qu’il moisit dans les catacombes des bibliothèques municipales. L’auteur, y ayant consacré quelques paragraphes à saint Augustin, doit être noté comme un abominable clérical.

Pourtant, si nos administrateurs, si nos fonctionnaires coloniaux, qui s’empressent d’écrire des « Heures d’Afrique » ou des « Impressions du bled » après six mois de séjour en Maurétanie ou en Tunisie, — si tous ceux-là avaient seulement feuilleté le petit livre de Stéphane Gsell, ils s’épargneraient une foule d’erreurs sur le pays qu’ils décrivent si sommairement, ou qu’ils administrent avec une si complète méconnaissance de son passé et de sa psychologie traditionnelle.

Parmi ces erreurs, une des plus graves, c’est celle qui consiste à assimiler la conquête française de 1830 à la conquête romaine, qui suivit la chute de Carthage, en 146 après Jésus-Christ.

Alors que notre domination en Afrique ne put s’étendre qu’au prix des plus grandes luttes, les Romains s’y présentèrent comme les alliés des Africains contre les Carthaginois, et, parfois ils furent appelés spontanément par les populations pour rétablir chez elles l’ordre et la sécurité. C’est ainsi qu’ils entrèrent en Tripolitaine, à la demande des gens d’Œa et de Leptis Magna.