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à penser avec nous sur une foule de points essentiels, en dehors de la religion, ne serait-ce pas un grand pas de fait dans la voie de la conciliation ?

D’autre part, si j’ai évoqué le souvenir des antiquités chrétiennes de l’Afrique devant les chrétiens eux-mêmes, si je leur ai montré dans les vieilles basiliques africaines les aïeules de leurs églises, c’est que j’ai voulu les intéresser directement à la grande œuvre de l’exhumation et de la conservation de ces ruines. Là où l’intérêt scientifique tout seul serait insuffisant à stimuler le zèle et le concours effectif, j’ai fait appel au sentiment religieux. Il ne s’agit pas de convertir les Musulmans et de les traîner en masse au baptistère, il s’agit simplement d’engager les chrétiens de tout pays et de toute confession à venir visiter les ruines des antiques églises qui furent les berceaux de leur foi, — et enfin à soutenir de leurs deniers les fouilles archéologiques, aussi bien celles des temples païens que celles des basiliques chrétiennes. Il me semble qu’un intérêt scientifique et esthétique peut être servi excellemment par un intérêt religieux. N’est-ce pas en ce sens que notre Gouvernement laïque et républicain emploie le zèle de nos missionnaires ? Il n’hésite pas à mettre le dévouement et la foi des catholiques au service de la République et de la Nation.


On a honte vraiment d’être obligé de fournir des explications aussi élémentaires. Il y a là des partis pris et des préjugés tout instinctifs, produits naturels du tempérament de chacun, de son milieu, de son éducation, et dont il est presque impossible de triompher. Mais il en est d’autres qui procèdent uniquement de l’ignorance.

Je répète que l’ignorance française du passé africain est une chose qui stupéfiera nos descendants. On est en train de fonder d’innombrables prix de littérature coloniale, avec l’intention louable de répandre dans le grand public la connaissance de nos colonies. Cela donne l’essor à une foule de plumitifs, qui, sous couleur de mœurs coloniales, nous racontent de plates aventures de moukères, des ragots d’administrations ou de cercles d’officiers. Quand fondera-t-on des prix d’histoire locale, — histoire de l’Afrique, par exemple, à toutes les étapes essentielles de son évolution ? Mais, avoir le peu d’empressement que mettent nos