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raisons, nous avons le droit de proclamer hautement que nous y sommes chez nous, non moins que les indigènes. Enfin, nous pouvons être fiers de notre œuvre. Il n’y a pas une colonie au monde qui soit plus marquée que l’Algérie à l’empreinte de la métropole, où le maître soit, en somme, plus estimé du sujet. C’est qu’il y a eu à l’origine de notre conquête beaucoup d’honneur et d’esprit de sacrifice, un réel désir de civiliser l’indigène et de lui être utile. On s’en aperçoit à la bonté durable des résultats.

Maintenant que la période guerrière est close, que les nouveaux venus ont fait souche à leur tour dans le pays, que la paix française est assurée, il convient de se préoccuper d’une autre tâche, peut-être plus longue et plus difficile, qui est de désarmer les haines entre les races, de pacifier les esprits comme les cœurs et enfin de rapprocher les uns des autres les enfants d’un même pays.

Ce rapprochement, et même, jusqu’à un certain point, cette conciliation des races a été possible autrefois. L’est-elle encore aujourd’hui ? J’en suis persuadé, bien que les conditions ne soient plus les mêmes. Et c’est parce que j’en suis persuadé que je convie tous les Africains à considérer les ruines latines de leur pays, — symbole d’une union et d’une collaboration qui ont valu à l’Afrique une splendeur et une prospérité jamais retrouvées depuis.


Mais voici bien une autre objection, celle-là au moins imprévue ! D’abord, on me fait observer que rappeler au Musulman d’Afrique ses traditions latines, lui dire, en somme, qu’il est un « Roumi, » c’est exciter ses protestations indignées, attendu qu’il a un mépris profond pour le Roumi et tout ce qui est roumi... Je trouve admirable vraiment cette résignation au mépris chez des gens qui eux-mêmes sont des « Roumis » et qui oublient trop vraiment qu’ils sont des maîtres. Je trouve non moins admirable, chez de prétendus libres penseurs, ce respect de l’ignorance et du fanatisme. Si l’indigène musulman se trompe grossièrement sur ses origines, n’est-ce pas notre devoir, au contraire, de l’avertir de son erreur, — une erreur dont nous ne pouvons que souffrir les uns et les autres et qui contribue à empêcher tout rapprochement entre lui et nous ?