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nombre de traditions glorieuses. Pour resserrer ces liens, je voudrais réveiller dans la conscience de tous, des indigènes comme des immigrés latins, le souvenir de ces traditions communes. Héritiers de Rome, comme participant à sa civilisation, nous avons tout intérêt à rappeler aux indigènes africains l’antique amitié conclue entre leurs pères et nos prédécesseurs, qui furent nos vrais pères spirituels.

Là-dessus, on me dit : « Prenez garde ! Il est très imprudent de nous donner comme les héritiers de Rome en Afrique, alors que d’autres peuples latins peuvent revendiquer cet héritage. » — Certes nous reconnaissons leurs droits, et nous le prouvons en leur faisant une large place au foyer africain. Mais, — même en admettant que nos droits soient moindres que les leurs, — nous avons l’autorité directrice, l’imperium, c’est-à-dire la part capitale de l’héritage de Rome. On peut discuter là-dessus à perte de vue : le plus simple est d’admettre ce fait historique en toute loyauté. Et puis, — il faut le répéter sans cesse, y insister fortement, parce qu’on est trop enclin à l’oublier aujourd’hui, — cet empire ne nous est pas tombé du ciel. Nous ne l’avons eu ni par faveur ni par fraude. Encore une fois, il nous a coûté très cher.

Nous ne sommes point des bandits qui se sont emparés brutalement d’un pays qui ne leur appartenait pas. A l’origine, nous avons assumé, contre les pirates barbaresques, une besogne de police urgente, nécessaire, qu’aucune nation européenne ne voulait faire, parce que les bénéfices en paraissaient fort problématiques. Comment nous fûmes contraints à sortir d’Alger et de son territoire, à envahir peu à peu les trois provinces et leurs zones limitrophes, c’est toute une histoire héroïque et terrible, dont on ne se souvient pas assez de nos jours. Pendant plus de vingt ans, nous avons dû lutter pied à pied contre un adversaire digne de nous, aussi bien armé que nous, et qui à tous ces avantages joignait cette supériorité d’être mieux adapté au climat et de mieux connaître les lieux. Et ainsi la conquête de l’Algérie, — qui a entraîné celle de la Tunisie et du Maroc, — a commencé par coûter beaucoup de sang français. Après cela, il a fallu organiser et outiller le pays, recréer véritablement la terre, en la défrichant, en la rendant capable enfin de nourrir ses habitants : et cela a exigé beaucoup d’or, d’énergie et de persévérance. Pour toutes ces