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prêtait à la Pologne la science militaire du général Weygand. Sur l’ordre du Pape, ses regards durent se porter vers la Russie, vers la situation religieuse nouvelle qu’y créait la Révolution : il fut le premier émissaire du Saint-Siège qui ait pu frôler ces réalités si neuves, et si grosses d’imprévu. En Pologne même, il se trouvait en présence d’une Eglise en trois morceaux : la vie religieuse, dans l’ancien tronçon autrichien, s’était maintenue sans entraves et sans heurts ; mais nombreuses étaient, dans la Posnanie naguère prussienne, les paroisses qui souffraient d’avoir des curés allemands ; et, dans la portion de Pologne qui la veille appartenait à la Russie, le regard de Mgr Ratti se posait sur des évêchés vacants, sur des séminaires fermés, sur des sanctuaires désaffectés. En peu de mois, ses négociations avec l’Etat polonais rendirent à la vieille Eglise de Pologne, désormais unifiée, une vie normale et prospère. Puis, dans cette même ville de Varsovie, de 1919 à 1921, deux ans de nonciature le jetèrent, bon gré mal gré, dans la bagarre des nationalités qui de toutes parts semblaient aspirer à dire : Je lutte, donc je suis. Ce bastion avancé de l’Eglise romaine, qu’était tout d’un coup redevenu Varsovie, fut pour lui un magnifique observatoire, où confinaient sous son regard les remous des catastrophes orientales et les remous des catastrophes européennes.

Après cinq mois de passage sur le siège de Milan, le voici désormais conducteur de cet univers dont il put, sur le sol de Pologne, ausculter les innombrables frémissements : en une minute désormais historique, du haut du balcon extérieur de Saint-Pierre, il l’a regardé, il l’a béni ; et la cime d’où cette bénédiction planait apparut plus altière, plus proche du ciel, que ces glaciers alpins où jadis se jouait son pied d’explorateur.

Lorsque du haut de la Colline Vaticane Pie XI interrogera l’horizon, lorsqu’il y dessinera lui-même, de sa main même de chef responsable, certaines possibilités d’avenir, lorsque, projetant ses volontés sur cet indécis horizon, il priera Dieu pour qu’elles deviennent des lueurs, et pour que ces lueurs soient des guides, et lorsqu’il préparera ainsi, au jour le jour, les siècles qui viendront après lui. Pie XI, dans cette tâche auguste, ne s’inspirera pas seulement des rapports de ses bureaux, il pourra s’orienter par la richesse de ses propres souvenirs, rapportés de Varsovie, et par les innombrables impressions qu’en trois années émouvantes et denses il a recueillies dans