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encore, calmement, fructueusement, dans ce coin-là du Vatican.

Mais en jetant les yeux sur cette Europe orientale où brusquement s’offraient à l’Église de nouvelles occasions d’accès, en jetant les yeux sur le reste du monde, où les Annuaires diplomatiques, un peu partout, recommençaient d’enregistrer des noms d’ambassadeurs ou de ministres accrédites auprès de Sa Sainteté, Benoît XV se rappela qu’au XVe siècle, aurore de l’âge moderne, l’humanisme chrétien avait eu la double gloire de rendre au Saint-Siège un double service.

C’est parmi les humanistes que s’était peu à peu formée, pour la Curie romaine, toute une école de diplomates, un Cesarini, un Landino, un Silvius Piccolomini, experts à trouver dans l’histoire du passé une politique d’avenir ; et ce Concile de Florence, qui avait un instant fait luire sur les Églises d’Orient et d’Occident un magnifique arc-en-ciel d’union, n’avait-il pas été, surtout, un rendez-vous de l’humanisme oriental et de l’humanisme occidental, en vue de l’unité chrétienne ? L’acte d’union lu par l’illustre Bessarion avait attesté, pour un moment au moins, l’efficacité du rendez-vous. Il apparaissait à Benoît XV que la culture humaniste pouvait rendre à l’Église du vingtième siècle les mêmes services qu’elle avait rendus à celle du quinzième, et même de plus grands.

Un jour de printemps, en 1918, il jugea qu’aux heures que traversait l’Église la place de cette culture, qu’incarnait avec tant d’éclat Mgr Ratti, n’était plus, pour l’instant, à la Bibliothèque Vaticane, mais là-bas, aux Marches de l’Est, en cette Pologne qui venait de ressusciter. Il fit de lui, à Varsovie, un visiteur apostolique, et puis, un an plus tard, un nonce : il le mit aux écoutes, ainsi, du vaste monde slave, aux écoutes de toutes les susceptibilités nationales. Ainsi se complétèrent pour le docte polyglotte, par le contact avec les hommes, quarante ans de contact avec les livres ; aux leçons de l’histoire succédèrent pour lui les visions contemporaines. Il fut au berceau de la Pologne renaissante ; il la sentit revivre ; il eut de superbes joies de savant en la voyant, dès l’heure même de son renouveau, s’occuper tout de suite de fonder une grande université pour servir, là-bas, la civilisation chrétienne. Il était, là aussi, virilement tenace au poste, prêt aux pires éventualités, lorsqu’un instant fondit sur le jeune État une menace que certains crurent mortelle, celle de l’invasion bolchéviste ; il applaudit l’aide que