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Comme les lignes résultent de points, expliquait-il, ainsi les grands traits historiques d’une époque et d’un pays ne peuvent être rendus d’une façon plus véridique, plus efficace, que par celui qui, tenant sous son regard une plus grande masse de détails, sait fondre ces détails en une synthèse lumineuse et vitale, en les ramenant aux causes d’où ils procèdent et aux lois qui les gouvernent [1].


Il était naturel qu’un chercheur aussi entreprenant et d’autre part aussi expert à dominer son sujet, à maîtriser sa méthode, fût un éveilleur d’énergies scientifiques : Mgr Ratti était l’un de ces travailleurs qui savent faire travailler. Son rêve d’une Italie savante s’esquissait sans détours dans un article qu’il consacrait aux publications de diplômes pontificaux entreprises par un professeur de Gœttingue [2] ; il lui semblait que l’érudition italienne devait prendre sa place dans les études d’histoire de la papauté ; il mettait dans cet appel un accent d’animateur, pressé d’embaucher ses compatriotes dans le vaste chantier du travail historique.

Et c’est avec émotion, avec une vraie gratitude à l’endroit des initiatives scientifiques de Léon XIII, qu’il regardait au loin cette bibliothèque et ces archives du Vatican, « où s’était constitué, disait-il, un permanent congrès scientifique international, un congrès qui, s’il ne se pare point des accessoires plus ou moins scientifiques des congrès proprement dits, en garde les avantages les plus substantiels et les plus importants, entre autres, les immenses facilités de connaissance mutuelle entre chercheurs, d’échange des idées, d’échange des services [3]. »

De-par la volonté de Pie X, Mgr Ratti, à partir de 1912, devint le vice-préfet de cette active Bibliothèque Vaticane ; il en fut en 1914 le préfet. Il avait désormais, dans l’armée de l’humanisme, son bâton de maréchal, et l’Europe savante se disposait à le visiter, de longues années durant, dans le cadre vénérable où la pensée antique et la pensée médiévale sont mises par l’Eglise à la disposition du savoir humain. Et peut-être si la Grande Guerre ne fût pas survenue, Mgr Ratti besognerait-il

  1. La Miscellanea Chiaravallense e il lîbro dei prati di Chiaravalle, p. 47.
  2. Di un’ edizione critica dei diplomi pontifici fino ad Innocenzo III (Milan, Cogliati, 1903).
  3. Bolla arcivescovile milanese a Moncalieri ed una leggenda inedita di S. Gemolo di Ganna (p. 5. Milan, Confanieri, 1901).