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Bibliothèque Ambrosienne de Milan. Il en fut d’abord l’un des deux « docteurs, » et puis en devint le préfet, à la mort de Mgr Ceriani, qu’il appelle quelque part, d’un mot bien touchant, « mon vénéré presque père. » Il aimait tant son Ambrosienne, que lorsqu’en 1912 Pie X le fit venir à la Bibliothèque Vaticane, il n’émigra pas sans chagrin, ni même sans quelque résistance. Notre Département des Manuscrits, à la Bibliothèque Nationale, conserve de Mgr Ratti trois lettres écrites à Léopold Delisle, hommage à la « bonté généreuse, » à « l’étonnante force et fécondité de travail » de l’illustre savant français. Donnant un jour à Léopold Delisle des nouvelles de Mgr Ceriani, le prélat lui disait : « Le bon Dieu le conserve avec vous, pour bien des années encore, à notre vénération, à notre affection, au bien de nos bibliothèques et de ceux qui leur appartiennent ! » On sent, dans ces lignes, toute la tendresse d’un bibliothécaire pour tout ce que la poussière des manuscrits recèle et projette de lumières, et toute sa tendresse, aussi, pour la corporation des grands bibliothécaires, qui savent à leur façon redire le mot de la Genèse : Que la lumière soit ! M. Emile Châtelain, M. Omont, le regretté Léon Dorez, avaient, eux aussi, dans le préfet de l’Ambrosienne, un actif correspondant ; et lorsqu’en 1910 un volume de Mélanges fut offert à M. Emile Chatelain par ses amis et disciples, Mgr Ratti figurait au nombre des collaborateurs ; par une courtoise attention, les pages qu’il y publiait avaient trait aux soixante-dix manuscrits récoltés en France pour l’Ambrosienne, au début du dix-septième siècle, par l’érudit pèlerin qui s’appelait Antonio Olgiati.

L’Archivio historique lombard, les Comptes rendus de l’Institut lombard, le Journal historique de la littérature italienne, bénéficièrent à maintes reprises du labeur du prélat : labeur minutieux et varié, sans cesse mis en branle par les multiples trouvailles que promettent les recoins de l’Ambrosienne. Le texte de Juvénal et l’iconographie de Pétrarque, l’histoire monastique de la Lombardie et l’histoire politique de son illustre prédécesseur Pie II, lui sont très redevables : dans les dédales d’une bibliothèque, ce grand fouilleur savait trouver les sentiers non battus, et s’y engager, délibérément, pour le plus grand fruit de la science.

Grand alpiniste en sa jeunesse, explorateur passionné du Mont Rose, du Mont Cervin, du Mont Blanc, on le sentait tout heureux, dans ses articles de la Revue mensuelle du Club alpin italien,