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L’heure est venue de comprendre que notre Afrique du Nord et notre Afrique centrale doivent constituer un Empire Africain ; et que si ces deux masses sont en réalité des fédérations, des groupes d’Etats ou de régions devant conserver leurs mœurs et leurs administrations locales, elles gagneraient cependant à être pourvues d’une direction supérieure qui créerait l’accord sur les questions d’intérêt commun. En somme, l’Afrique est une chose, et les Colonies sont une autre chose. Et de même que l’Angleterre a son « Colonial-Office « et son « India-Office, » nous devrions avoir notre ministère des Colonies et notre ministère de l’Afrique. Si ce dernier eût existé, il est probable que nous aurions depuis longtemps le Transsaharien, « cette épine dorsale de l’Afrique française encore invertébrée, » et que nous ne serions pas réduits à en envisager la construction à une époque où les matériaux et la main-d’œuvre sont le plus coûteux et nos finances le plus obérées.

Car, au fond, c’est bien là dans cette question financière, que gît la principale, la seule difficulté.

La nécessité et les avantages du Transsaharien, au triple point de vue stratégique, économique et social, ne sont pas niables. Mais où trouver les fonds pour le construire ? On ne peut pas songer à les incorporer, même par tranches annuelles, dans un budget déjà trop lourd, et moins encore à se les procurer par un emprunt. Seule, une société ou compagnie concessionnaire pourrait les réunir, à la condition que les intérêts des actionnaires ou obligataires fussent garantis par l’État. Et c’est bien en effet à l’Etat qu’en dernière analyse ce devoir paraît incomber.

Le Transsaharien n’est pas une œuvre d’intérêt colonial ou local, mais d’intérêt national.

Par cela, il se distingue et il est indépendant des projets de chemins de fer locaux envisagés dans le programme de M. Sarraut, chemins de fer dont l’exécution repose en grande partie sur les emprunts à contracter par les colonies intéressées, tandis que la construction du Transsaharien importe à la fois à notre sécurité et à notre prospérité comme à celles de l’Afrique entière.

Si cependant, entre les deux projets, il fallait faire un choix, il paraît incontestable qu’en raison de son caractère stratégique et national, plus nettement accusé depuis que la conférence de