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renseigner avec une austère précision sur l’Excellence de nos services de transport, ou sur la question de savoir Comment se nourrissent nos soldats, ou encore sur l’organisation d’une Fédération nationale des mutilés. Sachons même à l’écrivain un gré infini de n’avoir pas jugé ces sujets indignes de lui. Il a voulu servir, et il a servi. Non content de chanter nos gloires et de pleurer nos deuils, il a voulu, à sa manière et selon ses forces, coopérer à l’action guerrière : à toutes les bonnes volontés qui s’offraient à lui, pour signaler d’utiles réformes, des progrès à réaliser dans l’armement, les services du front, des ambulances et de l’arrière, il a prêté le secours de sa plume ; il s’est fait, dans tous les ordres d’idées et d’action, le dévoué collaborateur des pouvoirs publics ; ses campagnes pour la croix de guerre, pour l’amélioration des services sanitaires, pour l’adoption d’un casque de tranchées, pour les mutilés, ont abouti à des créations bienfaisantes. Par lui de précieuses vies françaises ont été sauvées, des souffrances physiques et morales ont été épargnées à nos soldats et à leurs familles, et la somme du mal qu’a déchaîné la hideuse Allemagne a un peu diminué dans le monde. Quoi plus noble usage un écrivain pouvait-il faire de son talent, et que vaut la plus belle « littérature » du monde en face d’une « œuvre de guerre ? » M. Maurice Barrès a mérité qu’un jour les « Poilus de l’Argonne, » en lui envoyant leur offrande pour les Invalides de la guerre, le remerciassent en ces termes :


Ce sont les « Poilus de l’Argonne » qui frappent aujourd’hui à votre porte et viennent vous apporter un peu de leur cœur. Ils ont entendu votre voix, et ils l’ont aimée. Quand, penché sur la tranchée, vous avez chanté, clamé l’héroïsme et la grande vertu de nos soldats, ils se sont dit tout bas, très bas, en songeant surtout à ceux qui étaient tombés : « C’est vrai ! « Et ils vous ont béni silencieusement, au fond de leur âme, pour les hommages que vous avez rendus aux saints de la patrie. Mais, lorsque vous avez accompagné, des champs de bataille aux hôpitaux, leurs camarades mutilés, ils vous ont vraiment aimé. C’était si beau, c’était si bien, qu’un grand écrivain, mieux, qu’un grand poète, mieux encore, qu’un grand patriote s’inclinât sur les plaies saignantes du bon sang de France et sur les glorieux débris de tant de braves ! De cette haute sollicitude pour leurs camarades, les « Poilus de l’Argonne, » ceux-là qui tiennent, accrochés aux pentes de défilés fameux, vous remercient... [1]

  1. Pour les mutilés, p. 89.