Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 7.djvu/874

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de François Fauche, l’incroyable crédulité de Louis XVIII et de son entourage, les policiers de Fouché ont vite envisagé tous les avantages qu’on peut recueillir de cette surprenante confiance : on ne renonce pas, certes, à attirer Fauche-Borel sur le continent ; mais on espère avec lui en attirer d’autres : l’un des jeunes fils du comte d’Artois, d’Artois lui-même, peut-être, ou, — qui sait ? — décidera-t-on le Prétendant à risquer sa personne royale. En tout cas, on va connaître ainsi les plans, les projets, les ressources de l’exilé et l’importance des subsides qu’il reçoit de l’Angleterre : c’est à quoi tendront peu à peu les cajoleries de la correspondance. Comme le travail est délicat et qu’on redoute, en forçant la note, d’éventer la mine, les plus expérimentés s’y attellent : Perlet n’est, à proprement parler, que l’agent transmetteur : il écrit les lettres ; mais c’est Desmarest, le préfet Dubois, Fouché lui-même qui les dictent, et, par cette éminente collaboration, la fourberie atteint au grandiose. Pour bien montrer qu’il s’évertue et que, grâce à son activité, son Comité se renforce chaque jour, Perlet informe Fauche qu’il a gagné à la cause royale Veyrat lui-même, le pilier de la police impériale : — « Il est entièrement dévoué et nous ne faisons qu’un ; mais il s’est bien expliqué : il ne se mêlera de rien avant d’avoir vu bien clairement que l’on a les moyens d’agir. Faites sentir, mon ami, cette nécessité et répondez-moi nettement sur cela... Il est nécessaire, — et le Comité est de cet avis, — qu’il connaisse tous les plans et tout ce que les partisans de Fietta (Louis XVIII), soit à Londres, soit ailleurs, ont envie de faire, afin de centraliser les mesures et de ne pas se contrarier. »

Ce stratagème était fécond en avantages : il permettait à Fouché de diriger à sa fantaisie, de son cabinet du quai Malaquais, les affaires de l’émigration, et de choisir même, comme s’ils étaient ses subordonnés, les hommes dont le Roi proscrit s’entourait. L’un d’eux déplaît-il à Paris ? Y souhaite-t-on, au contraire, voir tel autre entrer en grâce, rien de plus simple : on introduit dans la lettre de Perlet quelque vive critique et un ou deux mots d’éloge émanant du mystérieux Comité : — « Je puis dire que M. d’Avaray n’entend rien aux grandes affaires ; ce n’est pas l’homme qu’il faut... » — « La rentrée de Lord Moira au cabinet britannique me redonnerait bien du courage et avancerait sûrement les affaires de notre bon Fietta