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Perlet, d’abord, et aussi les membres du Comité royal qui siégeait, ignoré du monde entier, à Paris. Fauche-Borel fut avisé au plus tôt de l’existence de ce Comité : il ne pouvait quitter Londres où il était entré, sur la recommandation de A Vickham, dans les bureaux de M. de La Chapelle, chargé d’affaires de Louis XVIII auprès du roi George III, ce qui lui valait une pension annuelle de 400 guinées — 10 600 francs. Mais il importait qu’il informât sans délai le cabinet britannique de la situation nouvelle créée par les confidences de Perlet, de façon à ce que l’Angleterre se tînt prête à agir, — et à payer, — dans le cas où les Bourbons seraient rappelés en France avant d’avoir le temps de se retourner.

En attendant cet heureux jour, la correspondance se pour- suivait, extrêmement active, entre Perlet et François Fauche. Ce dernier préconise « les plus minutieuses précautions : » il est effrayé des dangers auxquels « son bien cher ami » s’expose et consterné de sa témérité : « il ne faut pas écrire en clair ; il ne faut pas signer Perlet : ne sait-il donc pas qu’il y a en France un cabinet noir, et que, si une seule de ses lettres y était ouverte, c’en serait fait de lui et de tous les membres du Comité ? « Et il envoie des formules d’encre invisible ; encore n’ose-t-il tracer ces deux mots et prend-il, pour faire comprendre la chose, un détour : — « M. Guillot part demain pour Paris, il vous porte une petite boite contenant deux fioles d’élixir pour les dents. » — « Quant à moi, proteste-t-il, je ne vous ai point nommé : ma tête tombera avant que votre nom sorte de ma bouche. Les intermédiaires doivent, en effet, rester ignorés jusqu’au terme des récompenses... J’espère que vous brûlez les originaux et que les copies ne restent pas chez vous... » Perlet, il est vrai, semble ne rien craindre, tant est forte et sincère l’ardeur royaliste qui l’anime : il consent cependant, pour rassurer sur son sort le trop craintif François Fauche, à signer du pseudonyme de Bourlac et à faire usage des encres sympathiques ; mais celles-ci sont trop corrosives ou trop faibles ; elles brûlent le papier ou manquent de mordant. L’une des lettres est devenue sous leur action complètement indéchiffrable, et il est convenu qu’on réservera ces procédés chimiques pour les secrets d’importance. On fera habituellement usage d’un vocabulaire de convention, et, puisque les correspondants sont l’un et l’autre imprimeurs, leur cryptographie