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Le clapotis contre la rive, laissé par le bateau qui passe.

Les coups sourds de l’onde contre la pierre verdie.

Les cris rauques des mouettes, leur rire morne, leurs rixes stridentes.

Le ronflement d’un moteur marin.

Le sifflet stupide du merle.

Le bourdonnement lugubre d’une mouche qui s’envole et se pose.

Le tic-tac de la pendule qui relie tous les intervalles.

La goutte qui tombe dans la vasque du bain.

Le grincement de la rame dans le tolet.

Les voix humaines au traghetto.

Le râteau sur le gravier du jardin.

Les pleurs d’un enfant que l’on ne console point.

Une voix de femme qui parle et que l’on ne comprend pas.

Une autre voix de femme qui dit : « A quelle heure ? A quelle heure ? »

Une hirondelle crie désespérément sur une harmonie sombre de canon et de cloche.

Le soir tombe.

Mon bourreau nocturne est derrière la porte.

Comment la pluie de mars peut-elle faire ce bruit argentin, avoir ce son qui brille ?

Déliez-moi les pieds.

Comment la pluie de mars peut-elle avoir ravi les esprits de la danse à la bacchante qui dort ?

Déliez-moi les pieds.

Par ses cheveux, par ses longs, longs cheveux, je vais saisir la pluie de mars, joueuse de crotale.

Voici que la grâce de ma jeunesse entre, sans toucher le seuil, en soulevant le bord de l’arc-en-ciel.

Cette magie est-elle mienne ?

Il est donc vrai que la maladie est d’essence magique ?

Tout est présent. Le passé est présent. Le futur est présent.

Voilà ma vraie magie. Dans la douleur et dans les ténèbres, au lieu de devenir plus vieux, je deviens toujours plus jeune.

Echo des temps anciens et futurs.

L’œil est le point magique où se mêlent l’âme et le corps, les temps et l’éternité.