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au Pape et le Pape à la France, un publiciste anarchiste, M. Charles Malato, commentait avec émoi : « Il y a quelque quinze ans, le Vatican semblait ne pas tenir debout. Un cadavre, déclaraient superbement des illusionnés. De la gigantesque guerre qui a fait de l’Europe un champ de carnage et de ruines, dévorant les hommes par millions et les richesses par milliards, sort présentement un vainqueur, le Vatican. » Le Pape vrai vainqueur de la guerre : ainsi s’intitulait, en octobre 1920, un article de l’Ere nouvelle, l’organe doctrinaire de notre jeune radicalisme. Et le cardinal Gasquet redisait au congrès catholique de Liverpool un mot que lui avait dit un ministre anglais : « On est arrivé à la conviction que personne n’est mieux sorti de la guerre que le Pape, the man who best came out of the war was the pope. » [1] Ces témoignages si divers, et qui concordent, méritent de nous arrêter : ce pontife, qui par la multiplicité de ses appels apitoyés donnait à l’Église l’attitude d’une personnalité souffrante, fut signalé, de son vivant même, par des observateurs étrangers ou hostiles, comme l’ouvrier de certaines victoires, comme le préparateur de certains resplendissements ; et prenant congé, non sans émotion, de ces visions d’anxieuse miséricorde, de componction recueillie, que son propre souvenir grave en nos âmes, nous voilà conduits à regarder le Vatican, à regarder l’Eglise, tels qu’il les lègue à son successeur. Sous nos yeux, de tout autres aspects vont se dévoiler.


II. — LA TRIBUNE DIPLOMATIQUE EN 1914 ET EN 1922 : L’ÉGLISE ET LES CHANCELLERIES

Il n’y avait eu, en 1914, qu’une poignée de diplomates pour assister à son couronnement : nombreux étaient alors les Etats qui avaient cessé de prendre le chemin du Vatican. A l’avènement de ce Pape, les sourires du monde avaient fait défaut. Il restait encore, derrière les ambassadeurs d’Autriche et d’Espagne, les ministres de Prusse et de Bavière, de Russie et de Belgique, et les représentants d’un certain nombre d’États de l’Amérique centrale et méridionale, grands et petits : c’était tout.

Le nouveau Pape prend la tiare devant un plus majestueux

  1. Semaine littéraire, 29 octobre 1921, p. 517. — La France libre, 15 mai 1920. — Documentation catholique, 30 octobre 1920, p. 338. — Nouvelles religieuses, 1er octobre 1920, p. 452.