Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 7.djvu/685

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fines ondulent. Par-dessus leurs épaules flottent, comme des étendards, les foutahs rayées qu’elles étaient allées chercher sur les cordes où elles séchaient. Les bracelets et les anneaux de cheville de ces fugitives s’entrechoquent et tintent. On ne voit plus ces belles filles, qu’encore leurs bijoux rendent le son frais d’un ruissellement de source.

Ailleurs, en d’autres patios pittoresques de Nedromah, l’imagination arabe inventa les aménagements les plus capricieux. Escaliers en faïences, larges comme la main, ouvertures par lesquelles il faut entrer à quatre pattes, couloirs coudés, niches suspendues, terrasses ondulées, s’enchevêtrent, se chevauchent, s’entrecroisent ou se superposent. Chats, poulets, chiens, pigeons, ânes, canards, mulets, singes s’ébrouent, volètent, piaillent, braient, crient et se combattent dans des cours peuplées comme l’arche de Noé. Papillons éclatants de ces ménageries, les enfants ajoutent à leur confusion. Cependant, contraste à tant d’agitation, de loin en loin, sur des toitures écartées, quelques jolies créatures oisives laissent s’écouler les heures dans une délectation tout orientale. Jeunes mariées sans charge d’enfants, leurs yeux ténébreux qui ne connaissent du vaste monde que ce coin de ciel africain, se tournent vers lui pour l’interroger. Peut-être ne pensent-elles à rien...

Ces amoureuses s’épanouissent comme des fleurs au soleil, sans plus de réflexion qu’elles, dans leur beauté voulue d’Allah pour la satisfaction de ses fidèles. Être aimées, être admirées du seul homme qu’elles approcheront jamais, puis se faner et s’effeuiller enfin dans le petit cimetière aride qu’on aperçoit du minaret, voilà l’horoscope qu’elles lisent au ciel incandescent.

Traversant la galerie du minaret, je me penche sur le quartier plus rustique de Nedromah, étage au flanc de la montagne, qu’enlinceuillent ce matin les brouillards.

Dans les logis de ce faubourg, beaucoup d’ouvertures en fer à cheval, soulignées de rouge ou de vert, encadrent des fileuses accroupies devant leurs rouets. Ces femmes lancent le fuseau de leurs bras nus cerclés de larges anneaux d’argent, tandis que, devant elles, leurs nombreux enfants, guère plus gros à distance que des insectes, donnent l’impression d’une fourmilière.

A sa fenêtre cintrée, une houri, coiffée d’un hennin pailleté d’or, vient bâiller d’une bouche aux lèvres rouges et dont les dents d’ivoire semblent le croissant de la lune, écrirait un