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période plus courte une compensation, même partielle, à l’abréviation du temps de présence à l’atelier.

Il en résulte qu’au point de vue économique, la loi de 8 heures, contrairement à ce que pourrait faire croire un raisonnement superficiel, augmente, au lieu de les restreindre, les risques de chômage. En effet, la diminution de rendement de la journée de travail se traduit par un relèvement du prix de revient et par conséquent du prix de vente. Dès lors, les débouchés se restreignent, les commandes se font plus rares, la fermeture totale ou partielle de l’usine est à redouter.

La loi de huit heures n’a pas seulement eu un effet direct sur les frais de main-d’œuvre, elle a eu, sur cet élément de la production, des répercussions multiples. Comme elle a majoré les prix de revient industriels, elle a indirectement fait monter ceux des produits agricoles, par suite de l’augmentation du prix du matériel nécessaire à la culture, de la hausse des frais de transport et surtout de l’accroissement des salaires que l’agriculteur a dû consentir à ses ouvriers, de plus en plus sollicités par les conditions plus avantageuses du travail industriel et par l’attrait des centres urbains. Dès lors, l’ouvrier, voyant diminuer la puissance d’achat de son salaire, en réclamait la hausse ; et le renchérissement gagnait de proche en proche.

Certaines usines ont dû s’arrêter. On cite celle de Mouterhouse dans les Vosges, où une industrie métallurgique, utilisant des chutes d’eau et brûlant le charbon de bois fourni par les forêts du voisinage, existait depuis le XVIe siècle. Elle occupait 260 ouvriers travaillant en deux équipes. Du jour où il a fallu en avoir trois, les frais sont devenus prohibitifs ; et d’ailleurs, la population du village n’aurait pas suffi à fournir le nombre voulu d’ouvriers. Il a fallu fermer l’établissement.

Pour la marine marchande, la loi du 2 août 1919 a posé le principe de la journée de 8 heures et du repos hebdomadaire. Le décret du 20 février 1920, qui en a réglé l’exécution, stipule ce qui suit : « Est considéré comme temps de travail effectif le temps pendant lequel le personnel embarqué est, par suite d’un ordre donné, à la disposition du capitaine, hors des locaux qui lui servent d’habitation à bord. » Il faut n’avoir jamais navigué pour assimiler à un travail d’atelier les périodes de veille ou d’attente, si fréquentes dans la vie du matelot. M. Raymond Leygue, rapporteur au Sénat, déclarait que « du fait