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les comités du Tedjeddoud, succédané de l’Union et Progrès, surveillent les délibérations des deux Congrès d’Erzeroum et de Sivas, contrôlent enfin les relations de l’Anatolie avec les républiques du Caucase : dès qu’ils se seront rendu compte de la situation, leur principal et constant effort tendra à préparer, puis à maintenir l’accord entre Angora et Moscou, entre la Turquie nationaliste et la Russie bolchéviste.

La tâche n’est point aisée, car, au contact de cette terre d’Orient, l’ancien impérialisme russe se réveille, même chez les représentants des Soviets ; et, parallèlement, on voit renaître chez les Turcs l’antagonisme traditionnel et les vieilles rancunes contre l’ennemi héréditaire. Russes et Turcs sont également pénétrés de l’importance du Caucase, qui peut servir de base, soit au bolchévisme pour ses opérations en Asie, soit à ses adversaires pour arrêter l’invasion russe. L’ancienne idée allemande, reprise par les Soviets, d’unir en confédération l’Azerbaïdjan, la Géorgie, le Daghestan et l’Arménie, est retournée contre eux par Moustapha Kemal, au moment où, craignant d’être débordé par les Russes, il cherche à élever une barrière entre eux et l’Anatolie (février 1920). Ainsi s’explique cette curieuse lutte autour de la Géorgie, que les Kémalistes commencent par soutenir, puis trahissent au bénéfice de l’armée rouge. Les Allemands employèrent alors tous leurs efforts à rétablir l’union entre Turcs et Bolchévistes, que la marche sur Batoum avait fort compromise. Ils devaient avoir le dernier mot. Le 18 mars 1921, lorsque toutes les missions étrangères quittèrent Batoum, cédée par les Turcs à la Géorgie bolchévisée, le consul allemand Raucher, conformément aux ordres reçus de Berlin, alla rejoindre le nouveau gouvernement géorgien à Tiflis. Il y représente encore aujourd’hui le Reich, en qualité de ministre plénipotentiaire, tandis que les intérêts français, considérables en Géorgie, sont confiés à un Oriental, le consul général de Perse.

Il a fallu qu’un Arménien assassinât Talaat à Berlin, pour que la diplomatie française voulût bien s’apercevoir et se préoccuper de l’action que l’ancien grand-vizir avait entreprise, des bureaux qu’il avait fondés, des sommes importantes qu’il avait dépensées pour mettre sur pied toute une organisation de combat. Malheureusement, c’était un peu tard : la liaison était désormais établie entre Berlin, Tiflis et Angora, et elle passait