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germanophiles, devenus révolutionnaires et alliés des Soviets : Yonous Nadi Bey, qui, pendant la guerre, écrivait au Tasviri-Efkiar et dirige maintenant le Yéni-Guné ; Monheddine Bey, l’ancien rédacteur du Tanine, devenu directeur du Bureau de Presse d’Angora : Hussein Raghib, qui le remplacera bientôt dans cette fonction : Nébi-Zadé-Hamdi, naguère sous-directeur de l’Agence Milli, aujourd’hui agent officieux de la mission moscovite.

Puis les délégations étrangères : représentants des principaux Etats de l’Asie centrale, envoyés de l’Émir Faïçal et du Grand Senoussi, délégués de Syrie, d’Arabie, d’Egypte et de Tripolitaine ; parmi les soi-disant Syriens, quelques-uns semblent bien provenir de Tunisie et d’Algérie. Ambassadeurs des grandes confréries religieuses, venus de la Perse, de l’Afghanistan et des Indes : derviches, muftis, théologiens et prédicateurs.

Les services civils sont dirigés en grande partie par les anciens fonctionnaires locaux qui se sont rangés volontiers au nationalisme, et auxquels on a adjoint des volontaires, venus de Constantinople. L’administration, relativement régulière, utilise les cadres des grandes organisations européennes : dette publique, banque ottomane, régie des tabacs, chemins de fer d’Anatolie. Les recettes perçues par les agents de la Dette sont versées au Trésor d’Angora, qui, pour chaque somme encaissée, fait parvenir un reçu à l’administration centrale, à Stamboul. On procède de même pour les prélèvements opérés sur les réserves ou les revenus de la Banque, et sur les stocks de la Régie. De temps en temps, pour l’exemple, on expulse ou l’on pend quelque agent grec de la Régie, de la Banque ou de la Dette, suspect d’intelligence avec l’ennemi.

L’esprit qui règne à l’Assemblée et autour d’elle rappelle, en quelque mesure, celui qui soufflait sur la Convention : patriotisme ardent et emphatique, haine et mépris de l’étranger, manie de l’égalité, maladie du soupçon. Dans les rues, les longs cortèges de recrues alternent avec des bataillons nouvellement formés, qui vont à la manœuvre : les recrues sont silencieuses et résignées, les soldats ont bon air et sont bien vêtus. Une foule enthousiaste acclame les troupes qui, rappelées de la frontière orientale, traversent Angora pour se rendre au front d’Occident. Sur la route d’Ineboli, c’est un va-et-vient ininterrompu d’arabas et de charrettes, qui apportent du matériel de guerre ou vont en chercher : les attelages de buffles sont le plus souvent