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de rapprocher ce texte de celui des deux accords signés à Londres par Bekir Sami avec la France et avec l’Italie, surtout si l’on songe que l’une et les autres ont été conclus par le même gouvernement à un intervalle de quelques jours. L’aversion et la défiance que le bolchévisme inspirait aux patriotes turcs n’apparaissent guère que dans la clause relative aux organisations étrangères. Quant aux concessions faites par la Turquie, dont la plus importante concerne la ville et le port de Batoum, il y a tout lieu de croire qu’elles avaient leur contre-partie dans l’engagement secret, pris par les Soviets, de fournir aux nationalistes des moyens financiers et du matériel de guerre. C’est à ce moment, en effet, que commencent à affluer, dans les ports turcs de la mer Noire, les cargaisons d’or, d’armes et de munitions.

Il n’était plus que de hâter la ratification du traité signé à Moscou et d’empêcher celle des accords passés à Londres. La mission soviétique d’Angora s’y employa de toutes ses forces, et trouva des auxiliaires efficaces dans les Unionistes intransigeants, adversaires de Moustapha Kemal et de Békir Sami. Ce dernier fut contraint de donner sa démission, et l’Assemblée choisit pour le remplacer Youssouf Kemal Bey, celui-là même qui avait préparé et signé le traité de Moscou. Avec le remaniement ministériel, le rejet des accords de Londres et la ratification du traité russo-turc, le mois de mai 1921 marque l’apogée de la fraction intransigeante et xénophobe, le triomphe des influences unioniste et soviétique à Angora.


LA CAPITALE NATIONALISTE. — MOUSTAPHA KEMAL

La capitale nationaliste devait offrir alors un spéciale singulier. D’une part, le petit groupe formé par Moustapha Kemal et par ses amis : Kiazim Kara Békir, Fevzi Pacha, Ismet Bey, Réfet, généraux patriotes, qui n’entrent pas dans le détail de la politique et ne songent qu’à sauver la Turquie : Békir Sami, Zékiaï Bey, Réouf, Férid, plus directement mêlés aux luttes de parti, le dernier, adversaire acharné de l’Union et Progrès. D’autre part, le groupe plus nombreux et surtout mieux organisé des Unionistes : Kutchuk Talaat, Nouri Nahil, le docteur Nazim représentant l’ancien comité secret de la direction du parti à Constantinople ; à côté d’eux, la bande des journalistes