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revanche, d’accepter « l’aide technique et matérielle de toute puissance étrangère qui s’engagera à respecter l’indépendance de la Turquie. » II décide, en outre, de suppléer, par tous les moyens en son pouvoir, au gouvernement de Constantinople, considéré comme défaillant.

Cependant le Comité d’Erzeroum recevait chaque jour des adhésions nouvelles : Sivas, Trébizonde, Van, Diarbékir, Samsoun demandaient à prendre part au mouvement de défense nationale. Des soulèvements locaux éclataient, soit dans les vilayets de l’Est, à Erzindjan et à Bitlis, soit même aux environs de Smyrne. Moustapha Kemal partit pour Sivas, où il réunit un nouveau congrès. Cette fois les délégués étaient beaucoup plus nombreux, représentant un ensemble de territoires beaucoup plus considérable. L’Assemblée de Sivas (septembre-octobre 1919) confirma les décisions déjà approuvées par celles d’Erzeroum et réclama l’élection immédiate d’un Parlement national. On saisit ici sur le vif la lutte engagée dès ce moment entre les deux tendances : les anciens Unionistes, ceux qu’on appellera bientôt les Orientalistes, s’efforcent de couper les ponts derrière l’Anatolie soulevée ; les patriotes, avec Moustapha Kemal, voudraient éviter la rupture. C’est évidemment sous l’inspiration de ces derniers que fut rédigé le télégramme adressé au Sultan par le Congrès de Sivas. En voici les parties essentielles :


Nous prenons la liberté de déposer au pied du trône de Votre Impériale Majesté l’assurance formelle que le mouvement national qui commence à se développer dans ces régions n’a rien de commun avec les vils intérêts des partis politiques. C’est pourquoi, d’un commun accord, nous avons la témérité d’exposer à Votre Majesté ce qui suit :

1° Les Turcs ne consentent point et ne consentiront jamais à ce que leur indépendance soit limitée en quoi que ce soit, ni à ce que leur échappe la moindre parcelle des vilayets peuplés par des Turcs ;

2° Nous sommes prêts à accorder à nos compatriotes non musulmans le maximum d’égalité de droits et à leur assurer tout le bien-être possible : les préceptes mêmes de notre Coran nous y obligent ;

3° Il est impossible qu’un seul pouce de terrain de nos vilayets soit attribué à l’Arménie ou à quelque autre État. Nous nous sommes engagés par serment, et nous sommes fermement résolus à ne point mettre bas les armes, tant que durera l’occupation ou l’administration étrangère d’une région, — fût-ce la plus reculée du territoire de