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égard. » Sous l’inspiration de la délégation française, le consortium financier, préparé avant la conférence de Cannes, avait demandé que des crédits ne fussent ouverts qu’aux États qui reconnaîtraient la propriété privée. Le Conseil suprême n’a pas voulu aller jusque là Il a admis une rédaction transactionnelle et obscure : « l’exécution impartiale de tous les contrats. » C’est encore grâce à un malentendu qu’on a eu l’illusion de s’entendre.

La condition suivante n’est pas moins équivoque, et elle reflète, comme tout le contexte, la forme vague d’une rédaction improvisée : « Les nations devront disposer de moyens d’échange convenables. D’une manière générale, des conditions financières et monétaires doivent exister qui offrent au commerce des garanties suffisantes. » Telles sont les heureuses épithètes qui permettaient à des ministres, assez mécontents des résolutions arrêtées à Cannes par les Alliés, de murmurer, ces jours derniers, dans les couloirs des Chambres : « Rassurez-vous, la déclaration du Conseil suprême restera platonique. On ne se mettra jamais d’accord sur les conditions définitives.» Une précaution encore plus illusoire a été prise sous le paragraphe 5 : « Toutes les nations doivent s’engager à s’abstenir de toute propagande subversive de l’ordre et du système politique établis dans d’autres pays. » A l’heure présente, les bolchévistes de Sibérie fabriquent des pièces pour troubler l’opinion à Washington et faire croire que nous avons passé des conventions secrètes avec le Japon ; les bolchévistes de Moscou entretiennent, dans nos possessions africaines, des agents qui cherchent à exciter les indigènes contre nous ; ils inspirent même discrètement des feuilles publiées en langue arabe ; ils envoient à Berlin des documents, vrais ou faux, mais présentés à leur façon, qu’ils prétendent avoir découverts dans les archives impériales et dont la presse allemande se sert avec fracas, à la veille de la conférence de Cannes, pour essayer de déplacer les responsabilités de la guerre. Ne doutons pas que les bolchévistes ne soient tout disposés à nous promettre la cessation de cette propagande polymorphe, mais ce qu’il importerait de définir, c’est comment nous les contraindrons ensuite à tenir leur promesse.

Enfin, la déclaration contient un paragraphe 6, dont l’ambiguïté ne laisse pas d’être inquiétante : « Tous les pays doivent prendre en commun l’engagement de s’abstenir de toute agression à l’égard de leurs voisins. » Quelle sera la sanction de cette clause ? Par quels moyens la fera-t-on respecter ? L’article 10 des statuts de la Société des nations, si décrié à Washington, prévoyait, au moins, que les