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phosgène, l’ypérite, la bromobenzylcyanide, etc., et l’usine avait par surcroît une production de 100 tonnes de chlore liquide par jour. Voilà qui donne une belle idée de ce qu’on peut réaliser sans plan préconçu... et sans idées préconçues.

Parmi beaucoup d’autres renseignements précieux, le brigadier général Fries et le major West donnent la formule d’un gaz dont on a beaucoup et mystérieusement parlé depuis quelque temps, la fameuse « Lewisite « dont les Américains attendent des effets redoutables. Ce corps n’est autre que la chlorovinyldichloroarsine. Ce nom, un peu barbare et qui dérive de l’excellente nomenclature organique actuellement d’usage international, indique clairement par lui-même, à ceux qui possèdent les éléments de la chimie, la nature et la composition exacte de ce corps dont on avait beaucoup parlé sous le manteau.

D’ailleurs, nous ne croyons pas personnellement à ces histoires souvent colportées de super-gaz, inventés en Amérique ou ailleurs, et qui, même en très petites quantités, suffiraient à détruire des armées entières. Le général Fries est lui-même d’avis qu’on ne produira jamais dans l’avenir de gaz de ce genre.

Ou n’en a pas produit dans le passé. Mais un gaz peut être découvert qui pénétrera dans les masques de protection actuels, et si les masques ne sont pas aussitôt modifiés utilement en conséquence, — ce qui est toujours possible, — les effets seront désastreux pour l’armée en contact avec ce produit nouveau. C’est le rôle de la défense contre les gaz de prévenir un cas de ce genre. On a résolu avec succès dans le passé tous les problèmes analogues : il est bien probable qu’il en sera de même dans l’avenir. Mais ce n’est pas sûr. La domination du monde par la guerre, — supposé qu’il y ait encore des dominations de ce genre, et l’hypothèse n’a rien d’invraisemblable, — appartiendra peut-être à la nation qui aura trouvé avant les autres un produit nocif contre lequel l’adversaire n’aura pas la parade chimique nécessaire.

Il faut en tout cas se tenir prêt. Je me suis laissé dire qu’aux États-Unis, les fonds affectés actuellement aux recherches chimiques de guerre atteignent des millions de dollars par an. Et chez nous ? Atteignent-ils 100 000 francs par an ?

Et pourtant, il importe de ne pas oublier que toutes les nations, les ex-ennemis comme les Alliés, — pour un peu j’allais écrire les ex-alliés, — tendent avec vigueur et ténacité leur effort dans ce sens.