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Mais la Latvie et l’Esthonie ne doivent pas oublier qu’elles sont d’anciens terrains de domination allemande par l’intermédiaire des barons baltes. Le général Ludendorff rêvait pendant la guerre d’en faire des colonies de peuplement où l’Allemagne achèverait, en y déversant son excédent de population, l’œuvre commencée au moyen âge par les chevaliers porte-glaives : elles ont tout à craindre du réveil de ces ambitions. Celles-ci ont été momentanément déçues depuis qu’en décembre 1919, une Commission militaire interalliée a fait évacuer le Baltikum par les bandes germano-russes nominalement commandées par Bermoudt, et pratiquement par le général von Eberhardt, successeur de von der Goltz. Mais, l’Allemagne est tenace, et comme le disait, pendant cette évacuation, un des collaborateurs de l’amiral Hopmann, président de la délégation allemande : la malheureuse aventure est liquidée. Il s’agit de la reprendre sur des bases nouvelles.

Quoi qu’il en soit, ces Etats, capables d’un effort sérieux pour défendre leur jeune indépendance, sont, sauf la Lithuanie, mal placés pour s’associer à un effort militaire ayant pour but de refréner des ambitions allemandes renaissantes.

Il n’en est pas de même de la Pologne et de la Tchéco-Slovaquie qui, toutes deux, pour des raisons différentes, ont grandement à craindre d’un réveil du pangermanisme. La première a enlevé à l’Allemagne les fruits des anciens partages qui avaient démembré la Pologne, les terres fertiles de Posnanie qui nourrissaient l’agglomération de Berlin, la communication directe avec la Prusse. La seconde compte parmi ses citoyens 4 500 000 Allemands d’attitude assez peu conciliante. Toutes deux ont leur frontière très proche de Berlin, gros sujet d’inquiétude pour une Allemagne qui n’a pas la conscience tranquille, facteur militaire d’un grand intérêt pour nous.

La Tchéco-Slovaquie a montré sur les champs de bataille de Russie en 1917, de France en 1918, et en Sibérie, la valeur militaire de ses soldats. Elle a su conclure, avec la Roumanie et la Yougo-Slavie, la Petite Entente, qui lui donne de sérieuses garanties contre une explosion du pangermanisme dans l’ancienne Autriche. Sa situation économique est en sérieuse voie de consolidation.

La Pologne, avec ses 30 millions d’habitants, est le plus grand des Etats nés ou revenus à la vie à la suite de la Grande