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lance-bombes et lance-flammes, grenades et munitions de tout genre en abondance ?

Qu’est-ce, sinon les cadres tout préparés pour une armée de plusieurs centaines de milliers d’hommes, que cette police verte, forte de 120 000 hommes, presque tous anciens officiers et sous-officiers de carrière, dotée de tous les moyens de combat les plus modernes et entraînés avec soin à s’en servir, largement payés, vêtus avec un luxe insultant pour les armées de tous les pays voisins ?

Une chose est bien certaine en tout cas. Qu’elle veuille ou non la revanche, l’Allemagne ne veut pas payer ses dettes. Elle le crie à tous les échos, elle fait tout ce qu’elle peut pour dénaturer sa fortune, tromper sur ses ressources. Elle n’a pas d’argent liquide pour payer les réparations qui lui incombent ; mais elle en a pour payer annuellement et par budget officiel, pour son armée de 100 000 hommes et la police qui la double, autant et plus que ne coûtait l’ancienne armée du Kaiser. Ses banquiers, les magnats de sa Schwere Industrie, exportent leurs capitaux par centaines de millions de marks pour créer à l’étranger des industries qui échapperont au contrôle des Alliés.

Cette tournure d’esprit, cette volonté de lutte économique à défaut de lutte militaire qu’on n’ose pas encore envisager en Allemagne, sont pour les voisins de celle-ci un indiscutable danger, et pour ses créanciers, dont la France est le principal intéressé, un risque de ne pas être payés de leur dû.

La France, qui a le plus souffert de la Grande Guerre, en pertes de vies humaines comme en ruines matérielles et en charges financières nouvelles, contre laquelle le mystérieux chef d’orchestre de la propagande allemande dirige le chœur sifflant des reptiles légendaires, a le plus à craindre des appétits de revanche qu’on cherche à faire naître et à développer en Allemagne.

Elle a donc le droit, pour sa propre sécurité et pour celle des nations nées de la défaite des Empires centraux et dont le droit à la vie a été reconnu par la Conférence de Paris, de surveiller de près l’évolution des idées, la situation politique, les mouvements économiques, l’état réel des ressources de tout genre et des finances de l’Allemagne ; elle a le devoir, pour la garantie de la paix du monde, de prendre ses précautions de