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n’est que temporaire, car la puissance industrielle de l’Allemagne, partie importante de sa puissance de guerre, reste intacte. Son industrie chimique lui permet de recommencer demain, au prix d’insignifiantes modifications, la fabrication en grand des explosifs et des gaz asphyxiants. Sa métallurgie lui redonnera bien vite canons et fusils, moteurs d’avions et de camions automobiles, dès que le Gouvernement du Reich disposera des crédits nécessaires. L’Allemagne a toujours 60 millions d’habitants, plusieurs millions d’anciens soldats qui ont fait la guerre, des milliers d’officiers de carrière ne cessant de regretter leur ancienne profession et aspirant à se venger des défaites qu’ils ont subies, et qui ont brisé pour un moment leur confiance et leur orgueil.

L’ancien militarisme allemand, même vaincu, reste un danger pour le monde, et avant tout pour les voisins de l’Allemagne, car il ne demande qu’à relever la tête. Ce sont toujours les officiers du Grand Etat-major prussien, cachés dans l’ombre d’un ministre socialiste, qui dirigent les affaires militaires. Dans les services civils, l’ancienne armature des fonctionnaires impériaux maintient le même esprit que jadis.

Ce n’est pas en vain que la propagande allemande, si disciplinée, si bien montée, si bien payée hors d’Allemagne comme en Allemagne, répète à satiété que l’armée allemande n’a pas été vaincue. Ce n’est pas en vain que les généraux se montrent aux foules dans maintes cérémonies et y prononcent des discours violents. Ce n’est pas en vain que dans toute l’Allemagne se créent des sociétés régimentaires d’anciens combattants pour faire revivre les souvenirs de la Grande Guerre et de l’armée impériale. Ce n’est pas en vain que les autorités militaires officielles collaborent à ce mouvement en s’appliquant à rattacher, par le nom et les insignes, les compagnies, escadrons et batteries des régiments de la Reichswehr de 100 000 hommes aux régiments de l’ancien régime.

A qui fera-t-on croire que, sans la bienveillante complicité des gouvernements socialistes ou démocrates qui se sont succédé depuis novembre 1918, il aurait été possible de monter l’aventure du Baltikum de von der Goltz et de von Eberhardt en 1919, et sous nos yeux, au printemps de 1921, d’organiser l’armée de 50 000 hommes du général Hoefer en Haute-Silésie, avec artillerie lourde et légère, avions, colonnes automobiles.