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de l’atmosphère, le chœur des Cyclades pressées autour de la resplendissante Délos, berceau de l’Archer solaire.


Évidemment le spectacle que les théories et leur cortège avaient sous les yeux, était sensiblement différent de celui qui s’offre, aujourd’hui, au voyageur égaré sur le Cynthe. Ce que nous avons sous les yeux, c’est un paysage artificiel créé par l’archéologie, émondé d’une foule d’excroissances parasites qui nous en eussent dérobé les grandes lignes. Nous avons beau voir ces lions asiatiques qui jalonnent l’avenue des sanctuaires, et ces xoana qui ressemblent à des idoles assyriennes, et ces autres consacrés à des cultes archaïques et barbares, et ces édicules où l’on adorait les dieux orientaux, rien de tout cela ne saurait prévaloir contre la vision toute classique des colonnes apolliniennes rangées autour du lac sacré. Ainsi isolées de l’ensemble auxquelles elles se subordonnaient, elles prennent une importance qu’elles n’avaient point autrefois, — et, nettoyées par le temps et les injures de l’air, des polychromies qui soulignaient leurs arêtes ou leurs reliefs, dégagées des applications métalliques, des accessoires décoratifs qui, peut-être, les alourdissaient, elles offrent à l’œil moderne une physionomie que, certes, elles n’avaient pas davantage au temps de leur splendeur. Rares débris échappés au naufrage antique, elles deviennent ainsi symboliques de toute une civilisation disparue, — de l’antiquité tout entière. C’est là certainement une vision illusoire, un mirage auquel nous cédons trop facilement aujourd’hui. Il en est de ces villes mortes exhumées par l’archéologie comme de ces constructions savantes et artificielles auxquelles se livrent des exégètes et des théologiens dissidents, logiciens aux formules trop rigides et tranchantes, qui prétendent nous restituer dans toute sa pureté on ne sait quel christianisme primitif. Ici, nous n’avons plus qu’un ossement décharné de la cité morte, — encore sans bien savoir au juste si cet ossement en était ou non une pièce essentielle, — et, là, nous n’avons plus qu’un cadavre de doctrine, cadavre mutilé et déserté par l’âme vivante de la tradition.

Quoi qu’il en soit, lorsqu’on a le sentiment des valeurs, il convient de tenir le plus grand compte et de faire le plus grand