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les jeux de la lumière, à ses surprises, à ses fantasmagories les plus déconcertantes. De là l’extraordinaire intérêt de ses illustrations : outre la ressemblance exacte et littérale, elles vous apportent la poésie des lieux, — elles immobilisent la minute éphémère où les grands paysages classiques atteignent à leur rayonnement total.

A mesure qu’on les feuillette, la physionomie de ces terres privilégiées se grave dans la mémoire en traits ineffaçables. On croit faire réellement le voyage. On voit les villes et les sanctuaires illustres, les grands passages mythologiques, et l’instant d’après, les scènes les plus familières, les personnages les plus humbles...

On part d’Athènes et du Pirée, on aperçoit un instant l’Acropole fameuse et ses temples immortels... ils s’effacent dans un halo de poussière blonde, ils disparaissent comme écrasés par la masse bleuâtre du Lycabette, — et nous voici, avec notre tartane et ses matelots agiles et rusés comme les compagnons d’Ulysse, sous les roches creuses de Santorin, aux flancs desquelles s’accrochent les petites maisons blanches percées de rares ouvertures, les absides et les coupoles des bâtisses méditerranéennes. Nous débarquons : voici la campagne de notre Provence ou de notre Afrique, — le village aux toits rouges, les terrasses immaculées sous leur enduit de chaux, la ferme ou la villa à demi dissimulée par un rideau de cyprès, les vergers et les enclos plantés de grenadiers, d’oliviers, de vignes et de chênes-lièges...

Tournons la page : Nous sommes maintenant dans le port de Syra, devant une ville blanche qui ressemble à Alger et qui se déploie, en forme de triangle, aux pentes étagées de ses collines. Plus loin, c’est la cathédrale de Tinos, avec sa cour intérieure, dallée de marbre blanc, ses arcades pareilles à celles de grandes mosquées de l’Islam, sa vasque des ablutions, surmontée d’une colombe d’albâtre, ses cyprès centenaires aux fûts striés de rides épaisses, droits et sveltes comme des colonnes cannelées, — puis les ruelles blanches de la ville, aux passages voûtés et sombres comme ceux des casbahs africaines... Dans la campagne, on cueille les olives, les pâtres ramènent leurs chèvres, les laboureurs touchent de l’aiguillon leurs bœufs accouplés, les femmes, leur amphore sur l’épaule, s’en reviennent du puits... A présent, nous sommes en vue de