Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 12.djvu/954

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Les solutions, sur ces points délicats, ont été ajournées ; elles sont d’ailleurs préjugées par l’accord de Moudania qui, en reconnaissant aux Turcs la frontière de la Maritza, exclut par là même la Thrace occidentale des territoires qu’ils sont fondés à réclamer. Mais l’effet des revendications turques s’est manifesté tel qu’on pouvait l’attendre ; en Orient, à certains actes, à certains mots, répondent avec la spontanéité d’un mouvement réflexe, certaines réactions. La rentrée des Turcs dans la Thrace orientale et surtout leurs revendications sur la Thrace occidentale ne pouvaient manquer d’alarmer les États balkaniques qui, tous, sont des fragments affranchis de l’ancien Empire ottoman et qui, tous, comptent au nombre de leurs sujets une proportion plus ou moins importante de musulmans ; dociles et soumis tant qu’ils se sentent les moins forts, ils appellent dans le secret de leur cœur le retour d’une domination turque. La défaite des Grecs a eu, sur ces populations, un immense retentissement. Il suffirait qu’une armée turque s’approchât de la Macédoine, ou seulement que le bruit s’en répandît, pour qu’éclatent des troubles. Ne venons-nous pas d’apprendre qu’à Kustendil, en Macédoine bulgare, un soulèvement, dont on ignore encore le vrai caractère, vient d’éclater, et a jeté l’alarme jusque dans Sofia ? Les Balkans ne sauraient retrouver la tranquillité et la stabilité dont ils ont tant besoin que si les résultats du traité de Bucarest de 1913 ne sont pas remis en question. Le rétablissement de la Puissance turque en Europe doit amener, comme parade immédiate, un retour à la politique d’entente balkanique ; pour la sécurité du continent, il est nécessaire d’établir une barrière solide sur la Maritza ; les Grecs seuls seraient aujourd’hui trop faibles pour assurer, sur cette frontière, la garde de la Chrétienté.

Nous avons signalé ici le voyage de M. Stamboulisky, président du Conseil de Bulgarie, à Bucarest et à Belgrade, au commencement de novembre, et la visite de M. Politis, alors ministre des Affaires étrangères de Grèce, à Belgrade. Pour la première fois depuis la Grande Guerre, des conversations diplomatiques amicales s’amorçaient entre la Bulgarie et les autres États balkaniques ; M. Stamboulisky affirmait la bonne volonté bulgare de vivre en paix et en bon voisinage. A Lausanne, les pourparlers reprirent entre MM. Nintchitch, Duca et Stamboulisky. M. Venizélos fut invité à se joindre à ses collègues. Les quatre États balkaniques se trouvèrent d’accord pour interdire à la Turquie de franchir la Maritza et pour garantir à la Bulgarie l’issue commerciale sur la mer Egée à laquelle l’article 18 du