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à Paris, partout si brave, n’est pas si noir qu’on le pense de loin. Ses principes sont arrêtés et ses principes sont tellement différents de ceux qu’on lui suppose qu’on serait tenté de leur dire : Mais vous ne voulez donc pas la République ! Bref, leur République à la Périclès, à l’eau de rose se peut très bien arranger avec des idées plus sages, plus réalisables. Le jour des comptes arrivant, alors la petite propriété se jettera dans les bras des légitimistes et toutes les influences républicaines satisfaites par les concessions indispensables, le parti turbulent sera cerné le jour même de son triomphe. Pour arriver sans embrasement à cette solution, il faut se mettre à l’œuvre. Le commerce a ses commis-voyageurs, la noblesse peut bien avoir les siens.

« Le grand malheur des hommes de talent est de n’être jamais des hommes d’affaires. Bonaparte seul était tous les deux ; aussi c’était un génie. Les moyens d’influence, les séductions, la patience, la colère, tout était mis en jeu. La Restauration n’a pas compris ce principe si simple de gouvernement : prenez la force, l’influence où elles se trouvent. En 1814, la force, l’influence étaient dans l’armée et les impérialistes. Il fallait les accepter, ils auraient fait la monarchie puissante. Il faut donc maintenant marcher à côté des Républicains, ne pas s’en effrayer et s’emparer de leur force pour la diriger, pour s’en préserver. En ce moment, les deux partis s’estiment, se rencontrent avec plaisir. Cette estime mutuelle est déjà un grand pas. »

Pour faire porter tous leurs fruits à ces prémisses de fraternisation, Mme Hamelin compte beaucoup sur le talent de Berryer et de Chateaubriand. Elle voit en eux non seulement des semeurs qui pourront faire lever à nouveau de belles convictions sur les jachères légitimistes, mais encore elle les croit capables d’endoctriner d’autres partis et de sceller avec eux des alliances. Tout cela lui donne motif à parler de l’auteur d’Atala. L’amour n’est pas toujours aveugle, il n’empêche pas Fortunée de se gausser un peu de son illustre ami. Évidemment elle a foi dans l’influence du grand enchanteur, mais elle sourit en remarquant la foi que lui-même a en cette influence. Volontiers elle s’amuse à dépeindre le prestigieux vicomte en des attitudes qui dénotent un caractère exempt de simplicité.

« M. de Chateaubriand, écrit-elle, est ici où il ne devait