Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 12.djvu/925

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cause, sa pensée, son espérance. On appartient à son temps qui est un temps de révolution. On la combat, on la pousse suivant ses opinions, mais enfin on est homme de son époque et de sa cause. La noblesse seule n’a ni direction, ni chefs, ni société, ni coalition. Elle ne paye pour rien, ne souscrit jamais. »

Lassé de toutes les tribulations de sa vie, Charles X, en exil, achevait ses jours les yeux tournés vers le passé, tout au culte de ses souvenirs. Sa belle-fille, la Duchesse de Berry, ardente Napolitaine, s’accommodait mal de cette résignation. Avec intrépidité, elle se faufile jusqu’en Vendée pour tenter d’y soulever les Chouans. Voilà qui, pour le coup, plait à Mme Hamelin. C’est de la hardiesse, c’est du mouvement, c’est de la folle aventure peut-être, mais qui ne risque rien n’a rien ; et faisant allusion à des légitimistes plus débonnaires dont l’action se bornait à aller jusqu’en Bohême déposer aux pieds de Charles X le tribut de leur fidélité, elle leur décoche ce trait : « Ils préfèrent le voyage de Prague à celui de Vendée... Pour tout dévouement, ils s’abonnent à la Gazette de France. »

Et pourtant, si on voulait, quel parti d’opposition on pourrait créer, quels résultats on pourrait escompter ! Hardiment à la tâche et la moisson est proche. Oui, Mme Hamelin croit qu’avec un peu de volonté, d’adresse, voire d’entregent, on pourrait assurer l’avènement d’un monde meilleur, meilleur, car elle entrevoit la possibilité d’y satisfaire son insurmontable désir de jouer un rôle. La voilà donc qui dresse des plans de batailles, de concentrations, de forces contre le régime détesté. « Mon Dieu ! mon Dieu ! Quelle belle guerre sans canons, ni morts, ni blessés on pourrait faire à tout ceci ! Ce serait une petite armée disciplinée, habile, manœuvrant à la Turenne plutôt qu’à la Bonaparte, c’est-à-dire faisant beaucoup avec peu d’hommes et peu d’argent, visant à tous les chefs influents des armées ennemies, les traitant galamment, leur donnant de bons petits dîners où tout se dit, se réconcilie, se lie, où les haines s’apaisent et les ambitions s’aiguisent. En France, les chefs de parti aiment tous les truffes. » Bref, comme elle s’en explique ailleurs, Fortunée Hamelin rêve d’une coalition légitimo-républicaine.

Quand il fut question d’un rapprochement entre les partisans des princes d’Orléans et les légitimistes fidèles au comte de Chambord, une vieille dame, comptant parmi ces derniers, disait à tout venant : « Savez-vous ce que sera cette fusion ?