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aux tristes réunions du jeu et que le Palais-Royal a l’air d’une maison de filles en comparaison des Tuileries de Médicis. »

Passant ensuite au récit d’une soirée chez Casimir Périer, Mme Hamelin écrit : « C’était vraiment là le bal chez le roi de France et M. Périer fit le souverain. Carte blanche aux entrepreneurs. Une foule de jolies jeunes filles et les plus belles tentes imaginables éclairées par un milliard de bougies. Ici, il faut noter un changement inouï dans les modes françaises. Ce bal fera époque. Les femmes, les filles mêmes parurent presque nues. Les robes de bal s’échancrent sur l’épaule et dans le dos, de telle sorte qu’elles arrivent exactement à la ceinture et ne tiennent que par elle.

« Dans cette soirée, il a paru une jeune fille d’une beauté comparable aux Gazani, aux Tallien. Jamais je n’ai rien vu de si ravissant ; c’est une Mlle Falurle, fille du député, industriel et propriétaire immensément riche, car cette jeune personne apportera avec ce visage une dot d’un million. C’était la vraie merveille de la fête, et les salles se vidaient pour la suivre. Il y eut au souper abondance de truffes, de bon vin, de glaces délicieuses, et les bougies, de première qualité, ne coulaient pas sur les robes. De chez le Roi, toutes les femmes rentrèrent avec des taches de graisse et disaient : « Regardez donc les bougies du Roi. » Les galops furent plus décents que chez le Roi, car la compagnie était meilleure, et jamais, non jamais, on ne vit tant de chair fraîche. Avec la mode, malheur aux maigres, anathème aux vieilles ; jamais on ne vit tant de jolis pieds attachés à des jambes qu’on ne cache pas plus que les épaules. Enfin, la personne même fait tous les frais de la toilette ; les tailles étant plus longues que jamais, les robes n’ont pas trois pieds de hauteur, puisqu’elles prennent aux mollets et finissent à la ceinture.

« Ces robes, difficiles à bien faire, ne s’exécutent que par Mlle Palmire, qui a détrôné Victorine aussi lestement que Philippe l’a fait des Aînés. Cette Palmire, fille d’esprit, a compris son siècle et a dit : « Faisons de la toilette à bon marché, « ne couvrons que le quart d’une femme et habillons-les par « entreprise. » Ainsi une robe de bal chez Philippe coûte, dessus dessous, de 130 à 150 francs avec tous les rubans, même les fleurs. Vous voyez que la nudité est ici très économique. On a répudié les blondes et surtout les colliers qui coupent les