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Peut-être est-ce pour cela que M. Esquirol, quand il parlait d’elle, la désignait sous un nom qui sérail pour un roman un titre alléchant et qui conviendrait assez bien à une héroïne de conspiration ; il l’appelait la Dame de la rite Blanche.

Et maintenant que voilà présentée la Dame de la rue Blanche, amusons-nous à faire quelques glanes dans ses lettres.


Quand Mme Hamelin entame une correspondance avec le comte de Montbel, il y avait un peu plus d’un an que Charles X avait été renversé par Louis-Philippe, après les journées révolutionnaires de juillet 1830. Le vieux roi vivait en exil, choyant son petit-fils le Duc de Bordeaux en faveur duquel il avait renoncé à ses droits au trône. Ceux qui voulaient le rétablissement de la monarchie légitime appelaient déjà cet enfant Henri V, et Mme Hamelin, comme on le verra, favorable à une nouvelle Restauration, travaillait à provoquer l’avènement du jeune prince.

Au mois de septembre 1831, elle écrit : « Des amis proscrits réclament mes lettres, mes démarches, et désormais, levée à huit heures, recevant soixante, quatre-vingts personnes dans la journée, écrivant dans toutes les directions et parcourant tous les quartiers, — surtout aux jours d’émeute, — souvent je me couche brisée, n’ayant d’autre consolation que d’être utile à ceux que j’aime et nuisible à ceux que je déteste. » Notre ancienne Merveilleuse se dépeint là en toute vérité, avec sa pétulance, son ardeur acharnée contre ce qui n’est pas de son goût.

Dans ses lettres au comte de Montbel, elle se montre avant tout politicienne et, pour justifier ses diatribes contre Louis-Philippe, voici le tableau qu’elle se plait à faire de la France en cette aurore de la monarchie de Juillet :

« C’est un chaos, dit-elle, qu’en y regardant de près on ne peut même comprendre. Les tribunaux acquittent les gens qui appellent Philippe : Usurpateur fainéant. Les vainqueurs de Juillet refusent le serment et sont applaudis, encouragés. Le Roi est bafoué et sourit à toutes les insultes. Le pillage est au comble. L’état intérieur ne se peut comprendre d’où vous êtes. Les propriétaires sont écrasés par des impôts à peu près arbitraires et doublés. Les propriétés sont sans valeur, si on veut vendre et ne représentent plus rien comme hypothèque. Qui