Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 12.djvu/893

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

perles. Sur des chars argentés étaient portées deux tables d’argent doré sur lesquelles on allait en plaçant les cierges qu’offraient les fidèles.

« Après le royal cortège suivait le peuple dévot, à savoir : les chevaliers, les gouverneurs, les nobles, les comtes, nationaux ou étrangers, tous babilles de riches vêtements de gala.

« Et, venaient à la fin les respectables matrones chaussées de sandales dorées, vêtues de peaux de martre, de daim ou de renard, de peliçons gris, de manteaux d’écarlate fourrés de vair, ornées de bracelets, de boucles d’oreilles, de peignes, de rubans, de chaines, d’anneaux, de miroirs, de ceintures dorées, de-châles en soie, de nœuds, de voiles de lin et autres riches ornements, et les cheveux tressés avec des fils d’or. »


Quelles qu’aient pu demeurer ensuite, au cours des siècles, la puissante splendeur de l’église compostellane, et la foi conservée à Monsieur Saint Jacques, c’est à ce XIIe siècle cependant qu’il faudra toujours revenir. Ce qui hantera toujours les chemins de Galice, c’est cette humanité du Moyen-Age, toute naïve encore, passionnée de remords et de supplications. Ce sont ces pèlerins-la qu’il faut deviner dans la brume, au penchant de l’Humiliadoiro, avec leurs vêtements sales et leurs pauvres faces bienheureuses… Et puis, avant bien retrouvé au plus profond du rêve, ayant bien partagé leur émerveillement, dans la même journée il est poignant d’aller voir, non plus le beau palais de ce rayonnant Gelmirez, mais ce qu’il en reste aujourd’hui…

Ce n’est point extrêmement facile de le visiter. Il y faut une permission spéciale de l’archevêché dont les bâtiments, comme autrefois attachés à la cathédrale, indistincts de ses murs et de ses longues galeries, s’élèvent sur ce qui fut la demeure du prélat magnifique. Bien modeste aujourd’hui cet archevêché : de grandes salles blanchies à la chaux, de sonores escaliers de bois. « Les salons sont magnifiquement meublés, » affirme le vieux-serviteur qui nous conduit. Mais je ne les ai point vus.

… J’ai contemplé seulement, humide et profond comme un sépulcre magnifique, cet autre salon, a la mode d’il y a huit siècles, dont la voûte romane a conservé intactes la ciselure de ses arêtes, et, dans l’épaisseur des murs, ses longues fenêtres