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et lui-même ont reçu l’hospitalité de l’amitié et où il a écrit (je l’ai démontré ailleurs) ses premiers vers romains. Jean du Bellay, à son tour, réunira bientôt les beaux esprits et les antiquaires dans une villa somptueuse, aux jardins remplis de statues et de fragments antiques, qu’il fait aménager dans les immenses ruines des Thermes de Dioclétien. Son cousin prend part avec lui à toute la vie intellectuelle de Rome. Au palais Farnèse, il voit travailler Michel-Ange architecte ; à la Sixtine, Michel-Ange peintre. Il est en relations avec les meilleurs lettrés, informé des affaires les plus hautes, aux écoutes de l’écho des consistoires, de la chronique des ambassades et des Palais apostoliques. Mais il ne dédaigne ni les spectacles de la rue, ni les propos libres de Pasquino. Il a peint de petits quadri ingénieux, où chaque touche de pinceau met de l’ironie ou du sourire : les cavalcades et mascarades du carnaval, les cérémonies, la morgue des dignitaires et la rudesse des moines, l’avidité des banquiers et le luxe des courtisanes, les manèges étalés de l’ambition et du plaisir, le choc, plus dur qu’ailleurs, entre les intérêts profanes et sacrés, et ce mélange des nations et des langues qui prête à la métropole de la chrétienté son caractère et son attrait. De jour en jour l’œil mieux ouvert, Joachim a fini par la bien connaître. Entre tant d’images qu’il veut nous en donner, en voici une peu citée, d’un raccourci fort habile, où le poète nous montre successivement les quatre principaux quartiers de la oille. C’est une assez piquante « promenade dans Rome : »


Si je monte au Palais, je n’y treuve qu’orgueil,
Que vice déguisé, qu’une cérémonie,
Qu’un bruit de tambourins, qu’une étrange harmonie,
Et de rouges habits un superbe appareil.

Si je descends en Banque, un amas et recueil
De nouvelles je treuve, une usure infinie,
De riches Florentins une troupe bannie
Et de pauvres Siennois un lamentable deuil.

Si je vais plus avant, quelque part où j’arrive,
Je treuve de Vénus la grand bande lascive
Dressant de tous côtes mille appas amoureux.

Si je passe plus outre, et de la Rome neuve
Entre en la vieille Rome, adonques je ne treuve
Que de vieux monuments un grand monceau pierreux.