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temple druidique qui en occupait la cime. » — Et peut-être Lupa toujours hésitante était curieuse d’une rencontre entre ces étrangers que délivraient les anges, et les druides, là-haut, dont la puissance était faite également de secrets redoutables.

Elle savait qu’un serpent énorme gardait les bois obscurs du mont Illicino, que des idoles monstrueuses se dressaient sous les chênes. Elle savait que les bœufs dont elle avait parlé étaient des taureaux sauvages chargeant furieusement tout ce qu’ils avaient devant eux. Mais quand elle sut aussi qu’au premier signe de croix fait par les disciples, les idoles avaient croulé, le serpent effrayant était tombé mort, quand elle sut que les sauvages taureaux avaient d’eux-mêmes et docilement glissé leurs cornes sous le joug, la grande lumière qu’elle se défendait de voir l’éblouit enfin et l’émerveilla.

— Je donnerai le terrain, dit-elle, et j’édifierai le tombeau.

Alors, le corps de l’apôtre étant étendu sur l’humble charrette, les disciples laissèrent ces taureaux apaisés marcher droit devant eux. Se dirigeant vers l’Orient, ils allèrent ainsi pendant près de trois lieues. La place où le convoi s’arrêta fut celle où l’on commença de creuser la terre.

Ce fut un très petit et très modeste tombeau que surmontait un autel étroit : simple fût de colonne portant une table de marbre. La chambre funéraire était dallée de mosaïques. Les fidèles, et « madame » Lupa, évidemment, déposèrent près du corps, en témoignage d’amour : « une clochette, un collier, des grains de blé, des vases en pâte de verre bleue et changeante. » Et les disciples y mirent aussi le couteau qui avait servi au supplice, et que le baron de Rozmital affirme avoir vu en 1463, suspendu par une chaîne au-dessus du maître-autel ; ils y mirent le chapeau du saint, sa pèlerine, et le bourdon dont il se servait dans ses voyages et avec lequel il avait accompli de grands prodiges. « C’était un lourd bâton de fer de un mètre et trois centimètres de long... »


Je sais bien... Mgr Duchesne a écrit — et la phrase est citée par tous ceux qui tournèrent vers l’histoire merveilleuse leur attention savante et remplie de prudence : « De tout ce que l’on raconte sur la prédication de Saint-Jacques en Espagne, la translation de ses restes, et la découverte de son tombeau, un