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Sas distiques latins rendent le même son :


Aspice templa Deûm sublimibus alta columnis
Et quam nunc similis Roma sit ipsa sui.
Aspice quæ passim Romana palatin surgant,
Quæque sit antiqui frons rediviva loci.


Du Bellay a réussi à faire passer en un français très net ces nobles lieux communs de l’humanisme. Il ouvre, en même temps, par les Regrets, une voie plus large encore et plus féconde. Il invente la poésie personnelle, au sens où nous l’entendons et la pratiquons aujourd’hui. C’est celle qui comporte l’observation quotidienne de la vie, s’attache à noter l’influence des êtres et des lieux sur les mouvements de l’âme, et dont l’analyse intérieure se résout toujours en mélancolie. Du Bellay en fournit déjà une définition, quand il montre le poète


Se plaignant à ses vers, s’il a quelque regret,
Se riant avec eux, leur disant son secret,
Comme étant de son cœur les plus sûrs secrétaires.


Avant d’en venir à son désenchantement célèbre, il a contemplé d’un regard amusé et perspicace les tableaux variés que le monde romain offre à l’étranger. Devant cette matière inattendue, la malice française se réveille dans l’humaniste. Là encore, Joachim a peu d’initiateurs, même parmi les bons satiriques italiens, et ce sont les vers d’un des nôtres qui notent le mieux, à cette heure, les gestes, les passions, les vices, les ridicules de la Rome papale, l’agitation fiévreuse, les intrigues et les grandeurs mêlées de cette capitale de l’univers.

Le secrétaire d’un cardinal Du Bellay, futur doyen du Sacré-Collège, est placé pour tout voir et pour tout savoir. S’il ne parait pas soupçonner le grand mouvement de science et de réforme catholique qui se prépare et va rendre son prestige religieux à la cité de la Renaissance, il suit à merveille, par ses petits côtés, le jeu de la politique générale. Les nouvelles qui affluent de la terre entière lui donnent des sujets à versifier, car elles font à Rome l’entretien de tous :


Ici le vil faquin discourt des fails du monde


Joachim a été promptement admis dans les compagnies savantes de la ville. Il en a rencontré dès l’abord chez le cardinal Farnèse, dans ce grand palais presque achevé, où son cardinal