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excita une vive émotion parmi les médecins et les vétérinaires hostiles encore, pour la plupart, aux doctrines pasteuriennes Quelques-uns y virent l’occasion d’en finir avec les savants qui prétendaient étudier les maladies dans le laboratoire et reproduire les virus dans des ballons. Il fallait soumettre à l’épreuve d’une expérience publique, sous l’œil des praticiens, les affirmations de Pasteur. La Société d’agriculture de Seine-et-Marne en prit l’initiative sur la proposition de M. Rossignol, très actif vétérinaire de Melun. Il fut décidé que l’expérience aurait lieu dans une propriété de M. Rossignol à Pouilly-le-Fort. Elle fut faite du 5 mai au 2 juin 1881 ; tout le monde sait comment elle a tourné à la gloire de Pasteur. Vingt-cinq moutons vaccinés résistèrent à l’inoculation virulente, tandis que vingt-cinq moutons témoins, non vaccinés, y succombèrent en quarante-huit heures. Le succès fut le même sur les vaches qui avaient été vaccinées. Après la Brie, chaque pays à charbon voulut avoir son expérience de vaccination ; il en fut fait à Chartres, à Angoulême, à Montpellier, à Pithiviers, etc. . Les fermiers qui y assistaient prièrent M. Pasteur d’immuniser leurs troupeaux et pendant les mois de juillet et d’août 1881 les collaborateurs de Pasteur inoculèrent près de 50 000 moutons, sans compter les bovidés et les chevaux. Un jeune professeur de l’Ecole d’Alfort, E. Nocard, fut un des meilleurs propagateurs de la méthode et vaccina un grand nombre d’animaux. Il avait été convenu que l’on n’immuniserait que la moitié des animaux de chaque troupeau, les autres restant comme témoins ; à la fin de la campagne, les pertes par charbon étaient dix fois plus fortes dans le lot témoin que dans le lot vacciné.

Depuis plus de quarante ans, les vaccinations pasteuriennes sont entrées dans la pratique, elles ont rendu d’immenses services à l’agriculture de tous les pays, mais c’est là leur moindre mérite. Elles ont donné une extraordinaire impulsion aux travaux sur les maladies infectieuses des animaux et de l’homme, elles ont rendu possibles les recherches sur l’immunité [1] qui ont renouvelé la thérapeutique.

  1. Parmi les travaux sur l’immunité, il faut citer ceux du zoologiste de génie, Elie Metchnikoff. En partant d’observations sur les larves transparentes d’êtres marins, il découvrit la phagocytose. Il vint au laboratoire de Pasteur en 1888 et y resta jusqu’à la fin de sa vie.
    Le professeur A. Laveran, qui s’était illustré par la découverte de l’hématozoaire du paludisme, entra à l’Institut Pasteur en 1897 et y continua d’importants travaux sur les protozoaires pathogènes.