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et des vétérinaires. Encouragé par M. Tisserand, directeur de l’Agriculture, il s’y décide cependant et se met à l’étude du charbon appelé aussi sang de rate des bestiaux. En 1850, Rayer et Davaine avaient signalé dans le sang des animaux charbonneux la présence de bâtonnets immobiles qu’en 1863, après la lecture d’une note de Pasteur sur le ferment butyrique, ils reconnurent comme le parasite cause du charbon et qu’ils appelèrent bactéridie. Davaine fît les expériences les plus ingénieuses pour éclaircir l’étiologie du sang de rate et en expliquer les particularités ; mais, pour réussir, il lui manquait la connaissance de la spore charbonneuse qui ne fut découverte que plus tard par le Dr Koch. Celui-ci avait obtenu des cultures successives de la bactéridie charbonneuse, en dehors de l’organisme, dans des gouttes d’humeur aqueuse et en avait suivi le développement sous le microscope. Il avait vu, dans les longs filaments formés sous ses yeux, apparaître un corps réfringent, une spore, qui est comme la graine de la bactéridie du charbon. Ces spores résistent à l’action de l’air, à celle des antiseptiques, et supportent, sans périr, une température de 80° ; elles se maintiennent longtemps vivantes dans le milieu extérieur et entretiennent sans doute la maladie. En 1871, les travaux de Davaine, non plus que ceux de Koch, n’avaient pas convaincu grand monde parmi les vétérinaires et les médecins, qui attribuaient le charbon à un virus dont la nature était inconnue comme d’ailleurs celle de tous les virus.

Le premier soin de Pasteur est de mettre hors de doute le rôle de la bactéridie de Davaine ; il y parvient en cultivant celle-ci non pas dans des gouttes d’humeur aqueuse, comme l’avait fait Koch, mais dans des centaines de centimètres cubes d’urine ou de bouillons alcalins. La bactéridie croit dans ces milieux à la température de 37°, et rien n’est plus facile que d’en faire des cultures successives. La centième culture tue, du charbon, l’animal qui en reçoit une goutte sous la peau. Il n’est donc pas possible de parler de dilution du virus primitif et de nier que ce virus soit autre chose que la bactéridie, puisqu’il suffit de placer la culture à température constante, dans un lieu où elle n’éprouve pas de secousse, pour que, la bactéridie se déposant sur le fond du vase, le liquide qui la surnage devienne inoffensif, tandis que la moindre trace du dépôt tue l’animal auquel on l’inocule. Or, ce dépôt est uniquement