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grains. Dans une éducation, elle frappe d’abord les vers les plus faibles, ce qui démontre l’influence du terrain sur le développement de la maladie. Le vibrion qui la cause forme des spores résistantes pouvant entretenir le mal d’une année à l’autre, d’où la nécessité de désinfecter les magnaneries, une fois les éducations terminées. Pasteur indique que l’on évitera l’infection en s’abstenant de faire consommer des feuilles humides ou fermentées ; il recommande de ne jamais faire grainer des papillons issus de vers qui ont montré de la faiblesse au moment de la montée à la bruyère ; une graine née de tels parents donne des vers particulièrement exposés à la maladie. La mise en pratique de ces prescriptions et l’extension du grainage cellulaire ont sauvé la sériciculture.

Pourquoi le procédé de sélection de la graine par l’examen microscopique du papillon femelle, déjà conseillé par Osimo, a-t-il échoué entre les mains de cet observateur et réussi entre celles de Pasteur ? Parce qu’aucun des savants qui ont précédé Pasteur dans l’étude de la maladie des vers à soie n’a poussé une expérience à fond ; ils manquaient de la volonté et de la foi qui animaient Pasteur et qui l’empêchaient de se rebuter devant les obstacles. Pasteur a fait de la sériciculture une véritable science, enseignée dans les écoles spéciales, et son nom est vénéré dans tous les pays producteurs de soie.

Ces grands résultats ne furent pas acquis sans peine. Combien est redoutable la situation du savant qui a accepté la mission d’étudier un fléau compromettant la fortune de populations entières ! On peut le deviner en lisant les documents placés à la fin de l’ouvrage sur la maladie des vers à soie ; mais pour en juger complètement, il faudrait avoir connaissance des lettres reçues à l’époque, des polémiques de journaux, des réponses de Pasteur. L’activité qu’il a déployée, le souci des responsabilités qui pesaient sur lui, les hostilités rencontrées joints au chagrin causé par des deuils de famille finirent par altérer sa santé. En 1868, Pasteur fut atteint de paralysie du côté gauche. Sa vie fut menacée, mais, sa forte nature reprenant le dessus, dès qu’il peut quitter la chambre il retourne à Alais poursuivre ses observations et constater le résultat des méthodes qu’il a préconisées.