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conserve inaltérée, Bastian y ajoute une solution de potasse chauffé à 120° et porte le tout à l’étuve. Au bout de quelques heures, l’urine fourmille de bactéries. Pasteur et son collaborateur Chamberland mettent en évidence la faute dans l’expérience du médecin anglais. Sur les parois du ballon existent des germes résistant à la température de l’ébullition et ne croissant pas en milieu acide, ils se développent au contraire dès que le milieu est rendu alcalin. Aucune bactérie n’apparait dans l’urine si elle est chauffée à 120° en vase clos, température nécessaire pour tuer certaines spores fréquentes dans les poussières ; on a beau l’alcaliniser, elle reste stérile. Cette expérience du docteur Bastian fut l’occasion pour Pasteur et ses collaborateurs de perfectionner la technique et de préciser les conditions de la stérilisation des divers milieux. Cette technique, devenue irréprochable, se trouve exposée dans la thèse soutenue par Chamberland pour obtenir le grade de Docteur ès sciences.

Tout autre que Pasteur eût été entièrement absorbé par cette discussion sur les générations dites spontanées qui battit son plein de 1860 à 1865 ; son activité est telle qu’il trouve le temps d’étudier la fermentation butyrique qui transforme le sucre et l’acide lactique en acide butyrique. Cette fermentation est causée par un vibrion mobile doué de la propriété inattendue de vivre sans air. Il donne des spores résistant à l’air et à une température de 100°, spores qui assurent la conservation de l’espèce. Le vibrion à l’état filamenteux est immobilisé par l’oxygène de l’air et ne tarde pas à périr à son contact. Le cas du vibrion butyrique n’est pas isolé, Pasteur montre que le tartrate de chaux fermente sous l’action d’un autre vibrion vivant sans air et que les microbes anaérobies sont très répandus dans la nature. Ils sont les vrais organismes de la putréfaction, c’est-à-dire de cette opération par laquelle la matière organique complexe est ramenée à des éléments simples qui retournent au sol et à l’air pour être utilisés par les végétaux à chlorophylle. Cette transformation est l’œuvre de toute une série d’organismes microscopiques différents. Les anaérobies peptonisent la matière azotée, la réduisent en des corps définis plus simples, puis interviennent les organismes aérobies, bactéries multiples et mucédinées qui achèvent la démolition en comburant, au moyen de l’oxygène de l’air, les corps résultant