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POÉSIES.


Ni m’apporter, au nom des roses,
Des abeilles et de l’été,
Le salut fraternel des choses
Ivres de joie et de clarté ;

Elle n’invite plus mes rêves
A se mêler au vent marin,
Qui lisse le sable des grèves
Et chante au feuillage du pin ;

Pas plus qu’au radieux automne,
Au bel hiver étincelant,
Son cher caprice ne m’ordonne
D unir mon pas rapide ou lent.

Tout est ombre, abandon, silence,
Dans la maison où plus ne vient
L’espoir que le désir devance,
Reposer son cœur sur le mien.

Et pourtant j’ai connu sa bouche,
Et tout son visage et ses yeux,
Et son rire tendre et farouche,
Et son geste mystérieux.

Amour ! puisque le goût de vivre
Est mort en moi et qu’en mon cœur
Ne bat plus la fièvre qu’enivre
L’attente ardente du bonheur,

Que ton fantôme secourable
M’apporte du fond du passé
La rumeur du flot sur le sable,
L’été brûlant, l’hiver glacé,

Le printemps, l’automne, la terre,
Tout le ciel, les roses, le vent,
Le jour en feu, la nuit stellaire,
En leur beau souvenir vivant !