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POÉSIES.



L’ADIEU A CLYMÈNE


Viens. Donne-moi ta main. Reste, avant que la Haine
Lâche ses noirs serpents qui ramperont vers toi ;
Reste, avant que l’Amour perde dans la fontaine
L’anneau que sa rancune a repris à ton doigt.

Reste, avant qu’à tes pieds la Colère farouche
Ait jeté ses tisons qui ne s’éteindront plus,
Tandis que va mourir au souffle de ta bouche
La flamme au cœur brûlant où tu la méconnus.

Viens. Donne-moi ta main. Le soleil va descendre,
Il semble que les lys ne sont plus parfumés,
Et l’ombre avec l’oubli couvre déjà de cendre
Le front du Souvenir qui meurt, les yeux fermés.


STANCES


Evitons que l’Amour porte peinte à sa bouche
La sombre pâleur de la mort ;
Partons avant que soit tombée au vent farouche
La dernière des feuilles d’or.

Puisqu’un Dieu sans pitié disjoint, rompt et sépare
Ce qui semblait notre destin,
Ne maudissons pas trop sa sagesse barbare
Dont la flèche au cœur nous atteint.

Ne vaut-il pas mieux voir ruisseler et s’épandre
Son sang aux pointes des roseaux
Que vieillir et, pareil à son ombre, qu’attendre
Le crépuscule auprès des eaux !


LA RUSE


L’empire furieux que tu prends sur les âmes,
Dur Amour, les emplit de foudres et de flammes.
C’est pourquoi je refuse à ton joug détesté
L’hommage de mon sang et de ma liberté