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est occupée en Extrême-Orient ou par notre flotte qui est au fond de la mer.

— Non, reprit le Tsar, non. L’empereur Guillaume est sûrement sincère !

On sait, par tous les documents publiés au cours de ces dernières années, comment l’empereur Nicolas a peu à peu réussi à se dégager des obligations que l’empereur Guillaume a voulu lui imposer. On ne louera jamais assez le courage et le dévouement que déploya le comte Lamsdorff pour éclairer alors son souverain et le libérer des engagements qu’il avait souscrits.

Je ne saurais clore ces lignes sans dire encore quelques mots de l’entrevue de Björko.

Il y a des personnes qui sont portées à voir de la duplicité, de la part de l’empereur Nicolas, dans tout ce qui s’est passé pendant cette entrevue. Ce serait une erreur aussi injuste qu’impardonnable.

Aucun soupçon de duplicité ne saurait effleurer la mémoire de l’Empereur !

N’a-t-il pas dit lui-même au comte Lamsdorff : « Je n’ai pas cru un seul instant que mon accord avec l’Empereur d’Allemagne pouvait être dirigé contre la France. »

D’autre part, n’avons-nous pas entendu ce même comte Lamsdorff rejeter avec indignation tout reproche de manque de loyauté de la part du Tsar, et répondre au comte Witte : « Naturellement Sa Majesté connaissait les engagements pris par la Russie vis à vis de la France ; mais, n’ayant pas les textes sous la main et ahuri par l’empereur Guillaume, Elle n’a pu se souvenir exactement de leur contenu. » [1]

La loyauté de l’empereur Nicolas est hors de tout soupçon. Mais si, malgré toute évidence, il y avait encore des malveillants qui voudraient voir dans la page historique de Björko ce qu’elle ne contient pas, ils n’ont qu’à penser à la fin tragique de cet Empereur-Chevalier qui a préféré sceller de la mort la fidélité à ses engagements plutôt que d’accepter la liberté que lui offraient les Allemands.


ALEXANDRE SAVINSKY.

  1. Mémoires du comte Witte.